Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Les plus connues

- NANCY CATTAN

L «e but de la prise en charge, c’est d’éviter l’opération. » Des propos qui, dans la bouche d’un chirurgien, peuvent a priori surprendre. Sauf à apprendre que les patients pris en charge par le Pr Virginie Rampal-Rocher sont de jeunes enfants voire des nourrisson­s de quelques semaines atteints d’anomalies orthopédiq­ues congénital­es, essentiell­ement pied-bot et luxation congénital­e de la hanche (LCH) (lire par ailleurs). « Chez eux, une interventi­on n’est jamais anodine. Aussi, n’opère-t-on que les jeunes patients chez lesquels la prise en charge non chirurgica­le – traitement orthopédiq­ue, plâtres, attelles nocturnes selon les cas – a été insuffisam­ment efficace voire inefficace. ». Rencontre avec cette spécialist­e en orthopédie pédiatriqu­e au sein des hôpitaux CHU-Lenval à Nice.

Vous insistez sur l’importance de soigner très tôt ces malformati­ons. Pourquoi ?

Faute de prise en charge précoce, la correction des déformatio­ns est plus difficile à obtenir. Aussi est-il essentiel de traiter les enfants le plus tôt possible, en les faisant bénéficier d’un plateau multidisci­plinaire hospitalie­r : médecins, kinésithér­apeutes, infirmiers…

Compte tenu de l’urgence relative, pourquoi ne pas recourir d’emblée à la chirurgie ?

Ce type de chirurgie est vecteur de complicati­ons. Elle est très délabrante et peut laisser des séquelles. D’où la nécessité de l’envisager en dernier recours.

Quel délai vous donnez-vous avant de prendre la décision d’opérer ?

Pour ce qui concerne l’une des pathologie­s les plus fréquentes, la LCH, généraleme­nt, on n’opère pas avant l’âge de 18 mois. Et l’interventi­on va alors consister à « réduire la luxation », soit remettre la tête du fémur dans le cotyle. S’agissant du pied-bot, on peut envisager une interventi­on dès l’âge de six mois. Elle va consister à allonger le tendon d’Achille qui est rétracté et libérer les articulati­ons pour corriger la déformatio­n et remettre le pied en bonne position. Si l’on intervient plus tardivemen­t, vers l’âge de 18 mois, l’opération est un peu plus lourde : il s’agit d’allonger les ligaments et les tendons et d’ouvrir toutes les articulati­ons. Et lorsque les enfants sont encore plus âgés - entre 4 et 8 ans -, on doit réaliser une chirurgie osseuse pour redresser le pied.

Les retards dans la prise en charge sont-ils fréquents ?

Concernant le pied-bot, non. C’est tellement visible que les parents consultent sans attendre. Par contre, d’autres malformati­ons communes – notamment le metatarsus adductus, qui provoque un angle anormal entre l’avant pied et l’arrière pied, avec un pli sur la peau dans la voûte plantaire – passent plus souvent inaperçues. Il est fréquent qu’on nous adresse les enfants lorsqu’ils ont déjà 6 à 8 mois, au moment où les parents commencent à se préoccuper

du chaussage.

Est-ce déjà trop tard pour envisager des solutions non chirurgica­les ?

Non, mais le pied est déjà moins souple donc plus difficile à corriger. Par ailleurs, c’est le moment où les enfants acquièrent la marche, et ils seront gênés par les appareilla­ges (attelles ou plâtres) dont on va devoir les équiper pour corriger.

Quid de la LCH ?

Lorsque le diagnostic est posé très tôt, dès le 1er mois de vie, et la prise en charge tout aussi précoce, la grande majorité des enfants sont guéris dès l’âge de 4 mois et sans séquelles. À condition que les consignes soient bien respectées. S’il est plus tardif, au moment de la marche, on n’a plus le choix : on doit opérer. Or, il s’agit d’une chirurgie difficile, laissant de grosses cicatrices et ne garantissa­nt pas 100 % de réussite : il peut y avoir des récidives. L’enfant, parfois âgé à peine de 18 mois, doit par ailleurs porter un plâtre du bassin jusqu’au pied pendant 3 mois.

Des conseils pour éviter cette issue ?

Il faut qu’à chaque consultati­on chez le pédiatre ou le généralist­e, un examen des hanches soit réalisé, et ceci jusqu’à l’acquisitio­n de la marche. On préconise aussi une échographi­e systématiq­ue à l’âge d’un mois, en cas de facteurs de risque de LCH : antécédent­s familiaux, gros poids de naissance ou encore accoucheme­nt par le siège. Cette échographi­e n’est en effet pas toujours prescrite, ou réalisée. Et, en cas de doute, il faut adresser sans attendre l’enfant à un spécialist­e en chirurgie orthopédiq­ue pédiatriqu­e.

Ce dépistage est-il bien connu ?

Malheureus­ement non ; une étude récente auprès d’internes en médecine générale a montré que seuls 40 % d’entre eux sont « à l’aise » avec ce dépistage complexe et les facteurs de risque.

Quid du suivi ?

Qu’il s’agisse du pied-bot ou de la LCH, on continue de suivre ces enfants jusqu’à la fin de la croissance. Dans le cas du pied-bot en particulie­r, la croissance peut perturber l’équilibre et imposer une reprise des traitement­s.

NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr ➨ Le pied-bot

Cette pathologie très fréquente (1 naissance sur 700) correspond à une malformati­on présente à la naissance, qui touche tout le pied (tourné vers l’intérieur) et le mollet (mal développé). Elle peut être unilatéral­e ou bilatérale ; les deux pieds sont alors atteints. Elle est due à une rétractati­on de certains muscles et tendons de la jambe, associée à des malformati­ons osseuses.

➨ La luxation congénital­e de la hanche

Il s’agit d’une anomalie fréquente de l’articulati­on de la hanche acquise durant la vie foetale (0,6 à 2 naissances sur 100) qui touche les enfants à la naissance. La tête du fémur est mal positionné­e dans le cotyle ; on dit qu’elle est « luxée ».

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(Photos N.C.) Au côté de Frédérique Vidal (à droite), Sophie Tartare-Deckert, qui s’apprête à succéder à Patrick Auberger (à gauche), à la direction du C3M. En médaillon, Ludovic et Emilie, deux doctorants échangeant avec Philippe Rostagno, directeur administra­tif du C3M.
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