Les plus connues
L «e but de la prise en charge, c’est d’éviter l’opération. » Des propos qui, dans la bouche d’un chirurgien, peuvent a priori surprendre. Sauf à apprendre que les patients pris en charge par le Pr Virginie Rampal-Rocher sont de jeunes enfants voire des nourrissons de quelques semaines atteints d’anomalies orthopédiques congénitales, essentiellement pied-bot et luxation congénitale de la hanche (LCH) (lire par ailleurs). « Chez eux, une intervention n’est jamais anodine. Aussi, n’opère-t-on que les jeunes patients chez lesquels la prise en charge non chirurgicale – traitement orthopédique, plâtres, attelles nocturnes selon les cas – a été insuffisamment efficace voire inefficace. ». Rencontre avec cette spécialiste en orthopédie pédiatrique au sein des hôpitaux CHU-Lenval à Nice.
Vous insistez sur l’importance de soigner très tôt ces malformations. Pourquoi ?
Faute de prise en charge précoce, la correction des déformations est plus difficile à obtenir. Aussi est-il essentiel de traiter les enfants le plus tôt possible, en les faisant bénéficier d’un plateau multidisciplinaire hospitalier : médecins, kinésithérapeutes, infirmiers…
Compte tenu de l’urgence relative, pourquoi ne pas recourir d’emblée à la chirurgie ?
Ce type de chirurgie est vecteur de complications. Elle est très délabrante et peut laisser des séquelles. D’où la nécessité de l’envisager en dernier recours.
Quel délai vous donnez-vous avant de prendre la décision d’opérer ?
Pour ce qui concerne l’une des pathologies les plus fréquentes, la LCH, généralement, on n’opère pas avant l’âge de 18 mois. Et l’intervention va alors consister à « réduire la luxation », soit remettre la tête du fémur dans le cotyle. S’agissant du pied-bot, on peut envisager une intervention dès l’âge de six mois. Elle va consister à allonger le tendon d’Achille qui est rétracté et libérer les articulations pour corriger la déformation et remettre le pied en bonne position. Si l’on intervient plus tardivement, vers l’âge de 18 mois, l’opération est un peu plus lourde : il s’agit d’allonger les ligaments et les tendons et d’ouvrir toutes les articulations. Et lorsque les enfants sont encore plus âgés - entre 4 et 8 ans -, on doit réaliser une chirurgie osseuse pour redresser le pied.
Les retards dans la prise en charge sont-ils fréquents ?
Concernant le pied-bot, non. C’est tellement visible que les parents consultent sans attendre. Par contre, d’autres malformations communes – notamment le metatarsus adductus, qui provoque un angle anormal entre l’avant pied et l’arrière pied, avec un pli sur la peau dans la voûte plantaire – passent plus souvent inaperçues. Il est fréquent qu’on nous adresse les enfants lorsqu’ils ont déjà 6 à 8 mois, au moment où les parents commencent à se préoccuper
du chaussage.
Est-ce déjà trop tard pour envisager des solutions non chirurgicales ?
Non, mais le pied est déjà moins souple donc plus difficile à corriger. Par ailleurs, c’est le moment où les enfants acquièrent la marche, et ils seront gênés par les appareillages (attelles ou plâtres) dont on va devoir les équiper pour corriger.
Quid de la LCH ?
Lorsque le diagnostic est posé très tôt, dès le 1er mois de vie, et la prise en charge tout aussi précoce, la grande majorité des enfants sont guéris dès l’âge de 4 mois et sans séquelles. À condition que les consignes soient bien respectées. S’il est plus tardif, au moment de la marche, on n’a plus le choix : on doit opérer. Or, il s’agit d’une chirurgie difficile, laissant de grosses cicatrices et ne garantissant pas 100 % de réussite : il peut y avoir des récidives. L’enfant, parfois âgé à peine de 18 mois, doit par ailleurs porter un plâtre du bassin jusqu’au pied pendant 3 mois.
Des conseils pour éviter cette issue ?
Il faut qu’à chaque consultation chez le pédiatre ou le généraliste, un examen des hanches soit réalisé, et ceci jusqu’à l’acquisition de la marche. On préconise aussi une échographie systématique à l’âge d’un mois, en cas de facteurs de risque de LCH : antécédents familiaux, gros poids de naissance ou encore accouchement par le siège. Cette échographie n’est en effet pas toujours prescrite, ou réalisée. Et, en cas de doute, il faut adresser sans attendre l’enfant à un spécialiste en chirurgie orthopédique pédiatrique.
Ce dépistage est-il bien connu ?
Malheureusement non ; une étude récente auprès d’internes en médecine générale a montré que seuls 40 % d’entre eux sont « à l’aise » avec ce dépistage complexe et les facteurs de risque.
Quid du suivi ?
Qu’il s’agisse du pied-bot ou de la LCH, on continue de suivre ces enfants jusqu’à la fin de la croissance. Dans le cas du pied-bot en particulier, la croissance peut perturber l’équilibre et imposer une reprise des traitements.
NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr ➨ Le pied-bot
Cette pathologie très fréquente (1 naissance sur 700) correspond à une malformation présente à la naissance, qui touche tout le pied (tourné vers l’intérieur) et le mollet (mal développé). Elle peut être unilatérale ou bilatérale ; les deux pieds sont alors atteints. Elle est due à une rétractation de certains muscles et tendons de la jambe, associée à des malformations osseuses.
➨ La luxation congénitale de la hanche
Il s’agit d’une anomalie fréquente de l’articulation de la hanche acquise durant la vie foetale (0,6 à 2 naissances sur 100) qui touche les enfants à la naissance. La tête du fémur est mal positionnée dans le cotyle ; on dit qu’elle est « luxée ».