Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Je n’oublie pas d’où je viens »

L’attaquant suisse de l’AS Monaco Breel Embolo ouvre son deuxième Mondial par un match forcément très particulie­r contre son pays natal. Il s’est confié avant le début de la compétitio­n.

- PROPOS RECUEILLIS PAR LEANDRA IACONO

Vous allez vivre votre deuxième Mondial. Qu’estce que cela représente ?

Une fierté parce que ce n’est pas anodin. Quand tu commences le foot gamin, c’est la première chose qui te viens en tête : jouer la Coupe du monde. Alors en disputer une deuxième à 25 ans, c’est très bien. Surtout avec un pays comme la Suisse. Même si on a bien évolué ces dernières années, on reste un petit pays.

Justement, quels objectifs s’est fixés la Nati ?

On n’a pas de limites. On a beaucoup appris ces dernières années, à la Coupe du monde, à l’Euro, en Ligue des nations. On a un groupe soudé, jeune mais assez expériment­é.

Le fait d’avoir atteint les quarts de finale à l’Euro a-t-il été un déclic ?

Non, on est toujours ambitieux au départ de chaque compétitio­n. Après c’est vrai qu’on est souvent tombé en huitième (en 2014, en 2016, en 2018, ndlr). À l’Euro-2020, ça a été plus positif pour nous avec cette qualificat­ion (aux tirs au but) contre la France. On sait qu’on a des qualités. Notre groupe connaît les grandes compétitio­ns. C’est très important parce qu’il est compliqué de préparer une Coupe du monde. C’est quelque chose d’incroyable à vivre mais ça demande beaucoup. Maintenant qu’on est qualifié, on ne veut pas s’arrêter là.

Avez-vous le sentiment désormais de devoir prendre un rôle de leader au sein de la sélection ?

Mon rôle est toujours le même : aider l’équipe et essayer de la faire gagner. C’était déjà la même chose lorsque j’avais 17 ou 18 ans. Aujourd’hui, je fais partie des cadres. Mon rôle est différent de celui de Granit Xakha, Fabian Schär ou Ricardo Rodriguez mais je sais qu’il y a beaucoup d’attentes me concernant. J’essaierai d’être à la hauteur.

Retrouver le Brésil et la Serbie, comme il y a quatre ans, vous fait quel effet ? On ne s’attendait pas à retrouver quasiment la

Breel Embolo espère marquer son premier but en Coupe du monde.

même poule qu’il y a quatre ans. C’est un peu bizarre. Même si on est heureux, c’est un peu décevant. Surtout de rencontrer la Serbie, après tout ce qu’il s’est passé après le premier tour en 2018 (polémique après les célébratio­ns proalbanai­se des buteurs Shaqiri et Xhaka, ndlr). Pour moi, ça reste du foot. Le jeu est le plus important. Cette Coupe du monde est déjà très spéciale avec toutes les discussion­s qu’il y a eues autour du Qatar. Alors on va tout faire pour donner de la joie aux supporters.

Et le Cameroun ? Pour vous c’est forcément spécial… Lorsque j’ai choisi la Suisse, ce n’était pas une décision contre mon pays natal mais pour la Nati. On ne peut pas faire comme un club et changer (sourire). Je suis très content de mon choix. J’ai toujours rêvé de jouer contre le Cameroun. Je suis leur premier fan et j’étais très heureux qu’ils se soient qualifiés. J’ai beaucoup

d’amis là-bas, comme Choupo-Moting, Onguéné. Je vais souvent en vacances à Yaoundé et Douala. C’est donc un match très, très spécial pour moi et pour toute ma famille. Parce que c’est un peu un conflit ! Il va y avoir beaucoup d’émotion lors de ce match. Mais j’essaie de ne pas y penser et de repousser ça au jour J.

Ce sera toutefois un grand moment...

Pour ma famille, oui. Cela l’a déjà été lors du tirage au sort. J’avoue ne pas avoir sauté de joie à ce momentlà. Mais en même temps, j’étais fier de pouvoir jouer contre mon autre pays et montrer ce que j’ai appris.

Quels souvenirs avez-vous du Cameroun, quel rapport entretenez-vous avec lui ?

Très proche. Une grande partie de ma famille habite là-bas. Pour garder ce lien, je rentre une fois ou deux par an. Je veux que mes enfants gardent aussi ces racines. Et je veux rendre aussi à travers certaines oeuvres caritative­s, notamment mon associatio­n. Il est très important pour moi de ne pas oublier d’où je viens. Quand j’y vais, rendre fier le

peuple camerounai­s me donne énormément de joie. Et puis, je me ressource avec ma famille. Mon papa vit encore là-bas. Alors on s’immerge complèteme­nt et ça fait vraiment du bien.

Si vous marquez, que ferez-vous ?

J’essaierai de ne pas célébrer. Mais le foot est un sport d’émotions. Si je marque et que je fête mon but, ce ne sera pas contre mon pays natal. Mais parce que je veux gagner.

Comment ce choix de représente­r la Suisse a-t-il été perçu au Cameroun ?

J’avais 17 ans. Cela a été difficile. J’ai repoussé au maximum ma prise de décision. Je me souviens que j’ai eu la possibilit­é d’aller à la Coupe du monde avec le Cameroun en 2014 avec le sélectionn­eur Volker Finke. Je n’avais jamais rompu le lien avec le Cameroun et je venais seulement de faire trois ou quatre matches avec Bâle. Mais comme je suis arrivé à quatre ans en Suisse, que j’y ai grandi, et que j’étais en sélection de jeunes, c’était une décision difficile. Et puis un jour, tu te réveilles, tu as tes réponses et tu te dis : ‘’C’est ça, que je veux. Pas de retour en arrière’’. Dans la famille, il y avait des partisans des deux sélections. Mais tout le monde a respecté mon choix. Le plus important était que je sois heureux.

Aujourd’hui, le sélectionn­eur Murat Yakin est celui qui vous a lancé à Bâle...

D’abord, on ne s’attendait pas à ce changement. On venait de faire un bon parcours avec Monsieur Petkovic. Il a fait son choix (partir à Bordeaux après l’Euro, ndlr). Le groupe l’a bien pris. On a su réagir et nous qualifier dans un groupe difficile, avec l’Italie championne d’Europe en titre. Monsieur Yakin est effectivem­ent le premier coach qui m’a donné ma chance. Il a toujours été exigeant avec moi. Il est comme un mentor pour moi. On parle beaucoup. On est proches. Il connaît toutes mes qualités et mes faiblesses. On échange encore sur mes performanc­es après mes matches à Monaco.

Comment a-t-il évolué dans son management ?

Tout le monde m’a posé cette question à son arrivée. Mais je n’en ai aucune idée (rires). À l’époque, j’avais 17 ans. J’étais déjà content d’être avec les grands. Ensuite, je ne l’ai connu que trois mois à Bâle comme entraîneur. Après, il est parti. Je me souviens plus de Paulo Sousa (2014-15) et Urs Fischer (2015-17) qui lui ont succédé. Mais il a forcément évolué tactiqueme­nt. D’autant que son parcours a été spécial, puisqu’il est parti en Russie avant de revenir en D2 suisse et de prendre l’équipe nationale.

Vous êtes en bonne forme avec Monaco. Avez-vous le sentiment que ça peut être votre Mondial ?

(Il souffle) J’espère que ce sera le moment du groupe. Cela voudra dire aussi que c’est le mien. On est 26. Si notre dynamique reste bonne et qu’on travaille chacun les uns pour les autres, ma tâche sera peut-être alors simplifiée. Je ne suis pas très content de mes dernières prestation­s avec Monaco. Je suis un peu lourd. Et je ressens l’enchaîneme­nt des matches. Mais je veux encore progresser et montrer le meilleur de mon jeu.

‘‘ Le tirage ? Je n’ai pas sauté de joie”

‘‘ Je ne suis pas allé au bout de mes capacités”

Vous faites pourtant une très bonne saison. Et là, il y a la possibilit­é de montrer encore plus…

Bien sûr ! Quand j’ai signé à Monaco, j’ai toujours dit que je n’étais pas là pour un dernier contrat et des vacances. Je ne suis pas encore au niveau où je veux être. C’est un des points pour lesquels j’ai signé ici. J’ai toujours répété que de m’entraîner avec des joueurs comme Wissam (Ben Yedder), Kevin (Volland), Golo (Golovin), Myron (Boadu), permet d’apprendre beaucoup. L’environnem­ent change. Mais je ne suis pas allé au bout de mes capacités.

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(Photo MaxPPP)

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