« Si on parvient à en cueillir 15 tonnes, ce sera bien ! »
Au premier coup d’oeil, il est tentant de dire que cette saison oléicole sera faste. Depuis 7 heures du matin, le ballet des cagettes bleues dans le hall du moulin à huile de Bargemon ne cesse pas. Chacune regorge de milliers d’olives, leur robe noire reflétant la lumière crue des néons. Un noir que les mouliniers observent avec inquiétude. « Normalement, à cette période de l’année, elles sont toutes encore vertes, fait remarquer Jean-Louis Audibert, Bargemonais de souche et moulinier depuis plus de 45 ans. Il a fait si chaud que les olives ont mûri un mois à l’avance. C’est comme les vendanges, on doit récolter de plus en plus tôt. »
Il faut dire que l’année 2022 n’est pas une année comme les autres. « Le printemps, saison charnière pour les oliviers, a été très sec. Les arbres ont souffert d’un stress hydrique important, et n’ont profité d’aucun répit jusqu’à maintenant », déplore Patrick Pelissou, responsable de formation, qui participe également au bon fonctionnement du moulin.
« Les fleurs, dès 30°, elles crament »
Un soleil de plomb qui a profondément déréglé le cycle de production des oliviers. « Il suffit que les conditions météorologiques soient défavorables, avec par exemple de la grêle, du givre ou des grosses chaleurs, comme cet été, pour que l’ensemble de notre long labeur soit fichu », affirme Jérôme Côte des Combes, ancien militaire récemment reconverti en moulinier.
« C’est simple, annonce Patrick Pelissou, tout de go. Les fleurs (qui éclosent vers mai-juin, Ndlr), dès trente degrés, elles crament ». Mettant en péril pour cet hiver la production d’huile d’olive, de tapenade et autres délices issus de l’or vert.
Il ne faut donc pas se laisser tromper par ces paniers remplis d’olives juteuses. Car si on regarde bien, nombre d’entre elles cachent en réalité des cagettes à moitié vides. Au lieu des 50 à 90 tonnes de fruits récoltés « lors des bonnes années », comme ce fut le cas il y a deux ans, l’équipe du moulin à huile de Bargemon s’attend cette fois-ci à bien moins. « Si on parvient à en cueillir 15 tonnes ça sera déjà pas mal… Pour être honnête, on ne sait vraiment pas où on va pour cette saison », confie du bout des lèvres le responsable de formation.
À la recherche de solutions
Même s’il a toujours existé « de bonnes et de mauvaises années pour les olives », comme le rappelle Catherine Pelissou, présidente de l’association Moli d’oli, qui gère le moulin, le spectre du réchauffement climatique plane sur le secteur oléicole. Le climat extrême de 2022 étant amené à devenir de plus en plus fréquent dans un futur proche. Alors, quid des solutions pour y faire face ? La question provoque des grommellements gênés. Il faut dire qu’imaginer une sécheresse et des chaleurs extrêmes plusieurs années de suite à de quoi donner des sueurs froides.
Mais des idées émergent. « Si ça continue comme ça, il va falloir faire venir des variétés plus résistantes aux hautes températures, comme l’olivier aglandau ou l’olivier tanche », avance Jean-Louis Audibert. En effet, à Bargemon et dans une bonne partie de l’arrière-pays varois, ce sont surtout des variétés résistantes au froid qui ont été sélectionnées, comme l’olivier petit ribier. Le givre étant un ennemi mortel dans la région.
Mais le temps presse. Car un jeune arbre ne donnera des fruits qu’au bout de sept à dix ans de vie ! « Et si une branche a déjà eu des olives, elle n’en donnera plus l’année suivante », pointe Patrick Pelissou, qui envisage de réaliser des greffes de variétés résistantes sur les branches des petits ribiers. Des contraintes qui exigent d’appliquer ces solutions dès maintenant, avant de voir le secteur définitivement pris de court par le changement climatique.