Voir Picasso et sourire…
REDÉCOUVRIR LE MUSÉE Expressif ou intériorisé, l’art de la joie de Pablo Picasso s’insinue dans les collections de l’Hôtel Salé. En deux oeuvres choisies, une fugue légère où deux femmes courent sur la plage et dialoguent avec la petite musique intérieure d’un joueur de flûte de Pan. Sur un air de vacances, rendez-vous au musée !
Al’opéra, on retient son souffle, en guettant les grands airs et dès les premières mesures la magie opère. Aller au musée pour fouiller l’histoire d’un seul tableau, de deux parfois… c’est aussi une façon de se laisser porter par l’émotion en tissant correspondances et sous-entendus. Chercher une oeuvre dans la multitude, c’est savourer l’impatience. Dans le Marais, le musée Picasso est un joyau, les collections sont d’une richesse inouïe, la visite peut s’étirer longtemps entre stupeur et plaisir. Jeu de piste.
Sur toile, petite mais immense
Aujourd’hui Deux femmes courant sur la plage nous tendent les bras. Aussi féconde que le fut la pensée de l’artiste. Tout en nuances, la muséographie déroule un chemin qui s’affranchit de la question chronologique. Elle relate l’histoire d’un homme qui a su renouveler tous les répertoires de formes de l’art du XXe siècle et approcher le soleil sans jamais se brûler les ailes. Soudain, la voilà… cette petite gouache sur contreplaqué. Tout juste 32, 5 x 41,1 cm alors que l’élan de ces géantes et leur course éperdue sont immenses, ivres de vent et saturée de liberté.
En lever de rideau…
Nous sommes en 1922, elles ont été peintes à Dinard. Pourtant lorsque Serge Diaghilev, directeur des célèbres Ballets russes, les voit deux ans plus tard à Paris, il est frappé par leur souffle, par la grâce de ces corps lourds, par l’espace infini qu’elles respirent comme l’air. Son nouveau ballet Le train bleu n’attendait qu’un rideau de scène… C’est décidé. Défiant toutes les lois de l’anatomie, cette petite gouache de Picasso sera un immense tableau qui ondule en lever de rideau. Fasciné par l’impression de mouvement décuplée de ses baigneuses sur la scène du Théâtre des ChampsÉlysées, l’artiste applaudit et signe spontanément le rideau. Pourtant, le soir de la première… ce sera un scandale ! Mais qu’importe. L’histoire retient que le décor des ballets confié à Henri Laurens est un modèle d’équilibre, la musique de Darius Milhaud est toujours dans nos têtes, Cocteau scénarise et virevolte au nom de l’amitié, les costumes rayés des danseurs sont signés Coco Chanel et… Pablo est amoureux.
La couleur de l’amour
La vie est toujours bleue quand on est amoureux. La mer et l’horizon comme uniques compagnons rythment l’élan créatif du maître. Une quête ? Un souvenir lointain ? Celui de Malaga, des rivages d’Antibes, ou bien plus simplement la force d’expression d’une mythologie rêvée entre Grèce antique et Méditerranée. Olga, sa muse ballerine, danse toujours lorsqu’il peint en 1923 La Flûte de Pan. Entre sérénité et joie intériorisée, sous les luminaires poétiques de Diego Giacometti dans le grand escalier d’honneur de l’Hôtel Salé, soufflent ses notes intimes. Un préambule à La Joie de vivre qui frappera à la porte de Pablo quelques années plus tard, dans une Côte d’Azur saturée de lumière ? Mais c’est encore une autre histoire… C’est promis, je reviendrais au musée partager avec Pablo d’autres odyssées. À partir de fin octobre, “¡ Picasso ! L’exposition anniversaire”, une nouvelle présentation de la collection dans les espaces du musée. Musée national Picasso-Paris. Hôtel Salé. 5, rue de Thorigny, 75003. museepicassoparis.fr À partir du 7 octobre, le Grand Palais présentera l’exposition “Picassomania”. grandpalais.fr 01. Un Buste de femme en bronze de 1931. 02. En perspective, un fragment de papiers peints découpés composant les Femmes à leur toilette, 1938, 448 x 229 cm. 03. La Flûte de Pan, été 1923, huile sur toile, 205 x 174 cm. Dation en 1979. 04. L’étreinte, huile sur toile, 1970.