Vivre Côté Paris

Voir Picasso et sourire…

- PAR CÉCILE VAIARELLI. PHOTOS BERNARD TOUILLON.

REDÉCOUVRI­R LE MUSÉE Expressif ou intérioris­é, l’art de la joie de Pablo Picasso s’insinue dans les collection­s de l’Hôtel Salé. En deux oeuvres choisies, une fugue légère où deux femmes courent sur la plage et dialoguent avec la petite musique intérieure d’un joueur de flûte de Pan. Sur un air de vacances, rendez-vous au musée !

Al’opéra, on retient son souffle, en guettant les grands airs et dès les premières mesures la magie opère. Aller au musée pour fouiller l’histoire d’un seul tableau, de deux parfois… c’est aussi une façon de se laisser porter par l’émotion en tissant correspond­ances et sous-entendus. Chercher une oeuvre dans la multitude, c’est savourer l’impatience. Dans le Marais, le musée Picasso est un joyau, les collection­s sont d’une richesse inouïe, la visite peut s’étirer longtemps entre stupeur et plaisir. Jeu de piste.

Sur toile, petite mais immense

Aujourd’hui Deux femmes courant sur la plage nous tendent les bras. Aussi féconde que le fut la pensée de l’artiste. Tout en nuances, la muséograph­ie déroule un chemin qui s’affranchit de la question chronologi­que. Elle relate l’histoire d’un homme qui a su renouveler tous les répertoire­s de formes de l’art du XXe siècle et approcher le soleil sans jamais se brûler les ailes. Soudain, la voilà… cette petite gouache sur contreplaq­ué. Tout juste 32, 5 x 41,1 cm alors que l’élan de ces géantes et leur course éperdue sont immenses, ivres de vent et saturée de liberté.

En lever de rideau…

Nous sommes en 1922, elles ont été peintes à Dinard. Pourtant lorsque Serge Diaghilev, directeur des célèbres Ballets russes, les voit deux ans plus tard à Paris, il est frappé par leur souffle, par la grâce de ces corps lourds, par l’espace infini qu’elles respirent comme l’air. Son nouveau ballet Le train bleu n’attendait qu’un rideau de scène… C’est décidé. Défiant toutes les lois de l’anatomie, cette petite gouache de Picasso sera un immense tableau qui ondule en lever de rideau. Fasciné par l’impression de mouvement décuplée de ses baigneuses sur la scène du Théâtre des ChampsÉlys­ées, l’artiste applaudit et signe spontanéme­nt le rideau. Pourtant, le soir de la première… ce sera un scandale ! Mais qu’importe. L’histoire retient que le décor des ballets confié à Henri Laurens est un modèle d’équilibre, la musique de Darius Milhaud est toujours dans nos têtes, Cocteau scénarise et virevolte au nom de l’amitié, les costumes rayés des danseurs sont signés Coco Chanel et… Pablo est amoureux.

La couleur de l’amour

La vie est toujours bleue quand on est amoureux. La mer et l’horizon comme uniques compagnons rythment l’élan créatif du maître. Une quête ? Un souvenir lointain ? Celui de Malaga, des rivages d’Antibes, ou bien plus simplement la force d’expression d’une mythologie rêvée entre Grèce antique et Méditerran­ée. Olga, sa muse ballerine, danse toujours lorsqu’il peint en 1923 La Flûte de Pan. Entre sérénité et joie intérioris­ée, sous les luminaires poétiques de Diego Giacometti dans le grand escalier d’honneur de l’Hôtel Salé, soufflent ses notes intimes. Un préambule à La Joie de vivre qui frappera à la porte de Pablo quelques années plus tard, dans une Côte d’Azur saturée de lumière ? Mais c’est encore une autre histoire… C’est promis, je reviendrai­s au musée partager avec Pablo d’autres odyssées. À partir de fin octobre, “¡ Picasso ! L’exposition anniversai­re”, une nouvelle présentati­on de la collection dans les espaces du musée. Musée national Picasso-Paris. Hôtel Salé. 5, rue de Thorigny, 75003. museepicas­soparis.fr À partir du 7 octobre, le Grand Palais présentera l’exposition “Picassoman­ia”. grandpalai­s.fr 01. Un Buste de femme en bronze de 1931. 02. En perspectiv­e, un fragment de papiers peints découpés composant les Femmes à leur toilette, 1938, 448 x 229 cm. 03. La Flûte de Pan, été 1923, huile sur toile, 205 x 174 cm. Dation en 1979. 04. L’étreinte, huile sur toile, 1970.

 ??  ?? Deux femmes courant sur la plage (la course), été 1922. Gouache sur contreplaq­ué, 32,5 x 41,1 cm. Dation en 1979. En bas, la façade du musée, avec au premier plan une sphinge.
Deux femmes courant sur la plage (la course), été 1922. Gouache sur contreplaq­ué, 32,5 x 41,1 cm. Dation en 1979. En bas, la façade du musée, avec au premier plan une sphinge.
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