Usine à rêves
Entre les mains d’un duo d’architectes, une ancienne usine de papier à cigarettes devient un superbe appartement-maison.
Entre les mains des architectes Baptiste Rischmann et Guillaume Gibert, cette ancienne usine s’est muée en un bel appartement-maison généreux et ouvert… où chaque espace parvient pourtant à affirmer son caractère et son point de vue.
Architecture dans l’architecture, un mini-escalier est dŽdiŽ aux fŽlins de la maison
On imagine très bien la rencontre entre Baptiste Rischmann et Guillaume Gibert. Nous sommes en 2010. Le premier termine sa formation á l’ENSAD (Arts décoratifs) par un stage chez FR66, adresse parisienne á la croisée entre matériauthèque et concept store. Le second, fra”chement dipl™mé de LISAA (Arts appliqués), vient régulièrement s’y inspirer et y initier ses clients au mobilier contemporain. Le courant passe aussit™t et une certaine connivence esthétique s’installe très vite. Il n’en faut pas plus aux deux jeunes architectes pour croire en leur avenir commun. Ce sera RMGB, agence qu’ils créent dès l’année suivante. Leur signature ? Sans doute d’abord une approche raisonnée de l’espace, doublée d’une véritable réflexion sur les usages et sur l’intégration des contraintes techniques. Une volonté aussi de ne jamais céder á la tentation décorative. Celle que Baptiste et Guillaume tiennent en plus haute estime, c’est la matière, sa richesse et les savoir-faire qu’elle sous-tend. Dans leurs réalisations, elle prend la forme d’aplats, de micro-architectures, de paysages. “Nous travaillons une enveloppe simple pour pouvoir ensuite l’habiter et la ponctuer d’éléments plus narratifs : un calepinage, un panneautage ou même une pièce de mobilier choisie pour le propriétaire”, explique Guillaume. Parfaite illustration avec cette ancienne usine de papier á cigarettes qu’ils ont entièrement repensée pour Paul, chef cuisinier et Estelle, styliste de mode. Un projet pour lequel ils ont puisé dans les codes de l’esthétique loft (volumes décloisonnés, sol en béton ciré, murs blancs) pour mieux s’en affranchir et injecter, ici une essence subtilement retravaillée (un épicéa blanchi, un Koto Kéfé grisé, un meuble vasque en sycomore), lá un Corian faèon terrazzo, un (d)étonnant papier peint “Jungle” (Arte) ou encore une laque aux confins du bleu et du violet. “Nous avons d’abord voulu garder la vision originelle de l’espace, sa hauteur sous plafond, ses volumes, sa toiture en verrière, poursuit Baptiste. Puis nous l’avons adouci à mesure que nous définissions et dessinions les différentes zones de vie : le bloc-cuisine, le salon, l’espace dînatoire, etc.” Les contraintes techniques deviennent alors des prétextes á imaginer des scénarios, des petites scènes de thé‰tre : la crédence de la cuisine qui devient tableau, la chatière qui devient un village miniature, etc. Lá, oè un regard h‰tif le jugerait minimaliste, le travail de Baptiste et Guillaume se caractérise bien davantage par son attention au moindre détail, son sens du trait… et une approche finalement assez décomplexée qui ne s’interdit rien. Un duo de trentenaires passionnés et érudits aussi á l’aise lorsqu’il s’agit de penser l’aménagement d’intérieurs privés, de bureaux ou de boutiques, comme l’espace Arflex qu’ils ont signé pour le showroom de meubles Siltec, qui ouvrira ses portes cet automne. RMGB. 36, rue du Sentier, 75002. rmgb.fr
Un jeu d’oppositions où matières et motifs se tŽlescopent sans jamais se contredire… la crédence devient tableau