Vivre Côté Paris

Expo Le Corbusier et les femmes

- PAR ÉLISABETH VÉDRENNE.

Malgré son air austère, ses hublots intimidant­s et ses propos puritains, Le Corbusier aimait les femmes.

Le Corbusier aimait les femmes. Malgré son air austère, ses hublots intimidant­s et ses propos puritains. Il était excessivem­ent compliqué comme on le découvre dans les lettres qu’il envoyait tous les quatre jours à sa mère et où l’on en apprend de belles. Il eut en fait un besoin infini d’affection féminine.

a plus importante des femmes de sa vie fut Marie-Charlotte Jeanneret, mère vénérée comme la Madone qui mourut presque centenaire en 1960. Il avait envers elle le complexe du fils mal-aimé car elle ne lui accordait pas la mème attention qu’á son frère a”né Albert. Par ses incessants récits épistolair­es, il pensait se l’attacher en lui prouvant son génie. Son incroyable franchise envers la vieille dame va jusqu’á friser parfois la lubricité : il n’hésite pas á lui raconter ses aventures, á exhiber son plaisir. Il comble ses absences en l’imaginant avec beaucoup de vanité, béate de bonheur dans la maison surplomban­t le lac Léman, qu’il avait construite á ses parents, alors qu’elle s’y morfondait et y gelait. Évidemment il choisit sa femme á l’opposé de sa mère. La ravissante Yvonne, brunette á l’accent du midi, vaguement mannequin, venait d’un milieu très modeste. Sémillante, joyeuse, moqueuse, il la considérer­a au fil des trente-sept ans de vie commune comme une femme-enfant dont la spontanéit­é le charmait et flattait son paternalis­me, mais qu’il laissait éloignée de sa vie profession­nelle. Délaissée par ce grand esprit

Ltoujours en voyage, elle excellait dans les soins ménagers tout en soignant sa dépression au pastis. Il l’adorait quand mème, de l’avis de tous. À la fin, il cachait cette femme devenue impotente, alcoolique et criarde, mais ne la laissa jamais tomber. On lui prète une aventure avec Joséphine Baker sur le transatlan­tique Le Lutetia au retour de Rio. Il laisse de cette rencontre dessins érotiques et aquarelles sublimes. Amateur de prostituée­s, on ne lui prète pas de grandes amours. Juste une relation intime avec l’Américaine très riche Marguerite Tjader Harris, la bonne amie capable de le financer pour un projet d’une maison á Vevey. Ce despote tenta surtout désespérém­ent de s’aimer un peu lui-mème.

Amoureux et misogyne

Dans ses mémoires, Charlotte Perriand qui avait pour amant son cousin Pierre Jeanneret insiste sur sa rencontre avec l’architecte misogyne, la recevant á l’agence avec un “Ici, on ne brode pas des coussins” en lui montrant la sortie. Attitude somme toute banale dans les années vingt qui n’empècha pas leur collaborat­ion par la suite. Le Corbusier lui faisant confiance pour la réalisatio­n des meubles, l’aménagemen­t de ses villas puristes et de ses Unités d’Habitation, spécialeme­nt les cuisines. Il savait s’attacher les talents, du moment que ceux-ci mettaient en valeur ses préceptes. Contre toute attente, il peignit á partir des années trente beaucoup de toiles á la gloire d’une sensualité triomphant­e avec des femmes énormes et pulpeuses, des ébats sexuels comme un hymne á la nature et au soleil, loin de ses penchants pour la vie monastique. Ë lire. Le catalogue de l’expo “Le Corbusier, mesures de l’homme”, Centre Pompidou. C’était Le Corbusier de Nicholas Fox Weber, Fayard.

 ??  ?? Le Corbusier et Joséphine Baker à bord du LutŽtia, 1929. Le Corbusier, Yvonne et Jean Badovici devant une peinture murale de Le Corbusier dans la villa E-1027 à Roquebrune-Cap-Martin, vers 1939. Le Corbusier, Femme lisant, 1936, collage de papier...
Le Corbusier et Joséphine Baker à bord du LutŽtia, 1929. Le Corbusier, Yvonne et Jean Badovici devant une peinture murale de Le Corbusier dans la villa E-1027 à Roquebrune-Cap-Martin, vers 1939. Le Corbusier, Femme lisant, 1936, collage de papier...

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