Vivre Côté Paris

Et la vie relève la tête

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Vendredi 13 novembre 2015, il fait doux dans les rues de Paris. Il fait nuit, c’est le début du week-end et les heures s’étirent aux terrasses du Petit Cambodge, du Carillon, du Casa Nostra, de La Belle Équipe, du Comptoir Voltaire. Là où la vie se partage, où le plaisir s’échange. Ça joue un match amical au Stade de France, ça joue de la musique au Bataclan. Un rock puissant remplit cette salle de spectacle à l’architectu­re loufoque. Drôle d’endroit pour rencontrer la mort. Là où, l’ancien music-hall mettait à l’affiche ballets, numéros d’acrobates, comédies vaudeville­sques avant d’y voir défiler Alain Bashung, Lou Reed, Téléphone, Prince ou plus récemment Snoop Dogg, Oasis, on se presse aujourd’hui au concert des Eagles of Death Metal. En terrasse, on fête un anniversai­re, on parle voyages, projets… Avec la fulgurance d’une traînée de poudre, les armes crachent la terreur. La vie bascule du rire aux larmes, de l’insoucianc­e au drame. Le crime de ces innocents ? Aimer un peu trop l’existence. Fatal rappel à l’ordre et début du cauchemar. Fin de l’aventure et dernière destinatio­n pour bon nombre de Parisiens. La vie et la ville s’écroulent ensemble, solidaires dans l’effroi et l’injustice. Les loups sont entrés dans Paris, comme chantait Reggiani. Cette fin d’année a le mauvais goût de son commenceme­nt. Saint-Denis et les quartiers de l’Est parisien sont touchés. Le silence a posé sa chape de plomb sur le bitume. Recentrage obligatoir­e, repli de rigueur. La tour Eiffel embrasse un symbole de paix et se drape dans son habit de lumière tricolore. Tout près, des graffeurs rallument le “Fluctuat nec mergitur”, devise de Paris devenu slogan de résistance. Après l’horreur, la peur, la sidération, la colère, la peine… la vie relève la tête. Elle a la couleur douce-amère de ces vies fauchées pour rien, de la liberté, de la résilience. Doucement, elle nous entraîne dans un bistro faire et refaire le monde, goûter aux nuits de Pigalle ou de Belleville, retrouver les musées, les concerts, les spectacles, les fêtes, parce que Paris ne s’est pas défait en un jour. Nous pensons à vous.

Martine Duteil, rédactrice en chef

 ??  ?? Ci-contre, la tour Eiffel symbolique­ment illuminée aux couleurs tricolores, arborant la devise de Paris. En haut “Peace for Paris”, le symbole de paix de Paris, de l’illustrate­ur Jean Jullien, un Français qui vit à Londres.
Ci-contre, la tour Eiffel symbolique­ment illuminée aux couleurs tricolores, arborant la devise de Paris. En haut “Peace for Paris”, le symbole de paix de Paris, de l’illustrate­ur Jean Jullien, un Français qui vit à Londres.

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