Liberté de tons
Peintre, sculpteur, créateur, Christian Astuguevieille a imaginé un univers teinté d’exotisme et de couleurs.
C“C’est mon premier appartement coloré. Peut-être n’en referais-je pas d’autre.” Il y a trois ans, Christian Astuguevieille a quitté son immense espace haussmannien noir et blanc de la Plaine-Monceau pour ce rendez-vous de quatre-vingts mètres carrés au PalaisRoyal. Il l’a créé comme une palette pop art. “L’appartement en a décidé ainsi. En arrivant dans un nouveau lieu, je m’installe toujours sur une chaise pour observer l’espace. J’ai vu que la couleur mettrait celui-ci en valeur.” Les murs sont peints d’un même ton parme, mais les meubles sont bleus, verts, orange ou jaunes. Même les tableaux de Christian Astuguevieille, habituellement noir et blanc, s’y parent de teintes vives. Le maître de maison a corsé le jeu : “Tout est fait pour que les couleurs n’aillent pas ensemble”. Pourtant l’harmonie règne. C’est la magie d’ Astuguevieille, qui aime ne rien faire comme tout le monde, se réjouit d’être inclassable et proclame : “C’est la différence qui m’intéresse”. Rei Kawakubo, grande prêtresse de la mode anticonformiste, directrice de Comme des Garçons, ne s’y est pas trompée. Depuis 1994, elle lui confie la création de ses parfums. On lui doit “Odeur 71”, inspirée des effluves d’une photocopieuse en surchauffe, ou le “888”, ylang-ylang mâtiné d’une pointe de dentifrice. “Travailler avec Rei m’a donné encore plus de liberté, dans tous les domaines.” Cette liberté, il l’exerce dans l’atelier qui surplombe son showroom de la galerie Vivienne. Là, il imagine ses meubles et luminaires. Ils sont en bois, en textile, en métal et bien sûr en corde, son matériau de prédilection depuis les années 1980. De chanvre ou de coton, naturelle ou colorée, on la retrouve partout dans l’appartement, des sièges aux lustres. Parfois elle se dresse comme l’herbe haute sur une commode, ou dévale le long d’un mur à la façon d’une cascade, “telle un fétiche de prospérité.” Ce que Christian Astuguevieille aime en elle, c’est son pouvoir d’évocation. Lui qui a inventé une “civilisation imaginaire”, racontée dans ses tableaux, ses sculptures et ses meubles, la trouve “aussi vieille que l’humanité”. Dans cet appartement, elle est un fil conducteur, tisse des liens avec d’autres temps et d’autres lieux, pour faire de cette maison un voyage. Christian Astuguevieille. 42, galerie Vivienne, 75002. Tél. 0144699140.