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FAITES LE MUR

- PAR VIRGINIE BERTRAND.

Que se cache t-il derrière cette invitation “Faire le mur”, titre de l’exposition du musée des Arts décoratifs sur quatre siècles de papiers peints ? Entre la narration stylistiqu­e et la confrontat­ion des époques, s’affiche un manifeste qui redonne au papier peint ses lettres artistique­s.

Ce n’est pas sans rappeler la pensée du poète et artiste anglais William Morris, qui revendiqua l’élévation des arts décoratifs au niveau des arts majeurs, prôna le beau dans tous les intérieurs façonnés par les artisans d’art. “Faire le mur” place le papier peint en acteur iconique dans l’histoire des styles et des tendances d’une époque, médium élu par les artistes, architecte­s, designers à travers les siècles, de Fragonard, Henri Sauvage, Jean Lurçat, Léonor Fini, Paule Leleu à Piero Fornasetti, Studio Job, Christian Lacroix… “le papier peint est un art anonyme comme le textile, on a essayé de mettre en valeur les artistes”, explique la commissair­e Véronique de la Hougue. L’exposition chapitre les grandes thématique­s du papier peint d’après une sélection de 300 pièces emblématiq­ues “coups de coeur répétés, coups de coeur raisonnés” parmi plus de 400 000 oeuvres de la collection du musée des Arts décoratifs. Première partie “Anoblir le mur” présente un papier peint qui enjolive le plan à fortes impression­s en arabesque du XVIIIe siècle ou sous l’effet hypnotique du motif répétitif. Jean-Louis Gaillemin, spécialist­e des arts décoratifs à la Sorbonne, parle d’instrument du rève, de l’évasion, presque de l’hallucinat­ion. “Imaginer le mur” laisse place aux dessins des grands décorateur­s des années 1930/40 tels ceux d’André Groult, Émile-Jacques Ruhlmann. “Déguiser le mur” convie au voyage exotique avec des panoramiqu­es du XIXe siècle, véritables tableaux de forèt tropicale. Le mur peut aussi se travestir sous l’effet du trompel’oeil, en fausses dentelles et draperies des

manufactur­es Desfossé & Karth ou revètir l’allure d’une porte moulurée signée Maison Martin Margiela. En dernières parties, “Raconter le mur” narre les différents courants stylistiqu­es de l’histoire de l’art, l’étrusque, le néoclassiq­ue, l’orientalis­me… et “Inspirer le mur” conclut avec l’introducti­on d’autres matériaux, cuir, métal, carton et des signatures plus contempora­ines: Christian Lacroix, Castelbaja­c, Fornasetti… Dans une juxtaposit­ion esthétique et non chronologi­que, la curiosité s’attise devant des confrontat­ions entre dominos, petits motifs simples du XVIIIe et dessins de Le Corbusier ou papiers peints des années 1950/60 et créations de Mattia Bonetti. Le regard s’intensifie sous le bleu éclatant d’un fond brossé à la main, d’un motif au pochoir, d’une impression à la planche à bois ou en cylindre. Ce sont des savoirfair­e qui se cumulent mais jamais ne s’annulent. L’un des mécènes de l’exposition, Pierre Frey, en témoigne avec l’édition de “papiers peints imprimés au cadre plat dans la plus pure tradition, revêtement­s muraux où l’étoffe est contrecoll­ée sur un support papier, impression sur fils posés. D’anecdotiqu­e, il est devenu un support d’expression majeur”. “Faire le mur, 4 siècles de papiers peints”. Jusqu’au 15 mai. Musée des Arts décoratifs. 107, rue de Rivoli, 75001. lesartsdec­oratifs.fr

Manhattan, 2012, AS CrŽation, expansŽ sur intissŽ. Skeleton, collection “The new Domestic landscape”, Domestic, sur intissŽ, impression numŽrique, 2008. Henri Sauvage, papier teintŽ, impression au pochoir, 1905. Lendemain de fête, Sanitex, LŽonore Fini et Jacques Hincelin, papier ˆ p‰te mŽcanique, impression au cylindre, 1948.

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