Vivre Côté Paris

XVIe nouvelle génération

Entre culture et verdure, de foyers de création en révolution digitale, le XVIe se réinvente.

- PAR VIRGINIE BERTRAND. PHOTOS NATHALIE BAETENS.

Parce que démodé, « resté dans son jus », avec ses commerces d’autrefois, ses artisans d’avant, ses marchés renommés, ses enseignes iconiques des années 1980, Renoma, Majestic Passy, L’Entrepôt, le Flandrin, Le Stella…, le XVIe séduit une nouvelle génération de trentenair­es. Révolution numérique, agitation des papilles, propension à la création, les nouveaux arrivants investisse­nt différents « villages » du XVIe et réactivent des micro-quartiers, Boileau, Annonciati­on, Docteur Blanche, Maison de la Radio… Rectifiés les clichés, le XVIe revendique le plus fort taux de natalité de Paris, le plus grand espace de glisse, la concentrat­ion la plus riche de musées, fondations, instituts, centres culturels et ambassades. Il vibre de l’effervesce­nce artistique du Palais de Tokyo, des rétrospect­ives des grands noms de la mode au Palais Galliera, d’une programmat­ion intense entre musée d’Art moderne, musée de l’Homme, théâtre de Chaillot, Cité de l’Architectu­re, musée Guimet, le Goethe-Institut, la Fondation Hippocrène… Il se découvre en hébergeur de start-up à travers l’installati­on récente de One Point non loin de la place de Mexico. Il se savoure sous l’impulsion de jeunes chefs et se réinvente sous l’influence de nouveaux acteurs qui revendique­nt ses traditions et protègent son authentici­té. La bande à… Jean de Loisy en son Palais de Tokyo. Un centre d’art et non un musée, du béton à nu dans un bâtiment néoclassiq­ue de 1937, imaginé en 2002 par Jérôme Sans et Nicolas Bourriaud, formule une nouvelle plateforme multicultu­relle et « multi-médium » (graffiti, installati­ons, performanc­es, sculptures…). Un esprit libre qui se revendique jusque dans ses tréfonds (Lasco Project, sur les traces de 50graffeur­s invités par le commissair­e Hugo Vitrani). En 2012, sa surface doublée à 22000 m2 le place au premier rang des centres européens. Il affirme sous la direction de Jean de Loisy son rôle de défricheur, avec toujours une vision d’avance, plurielle et internatio­nale, définie par un collectif de jeunes commissair­es

qui génèrent « des nouveaux espaces mentaux et physiques », avec des artistes chamboulan­t le rapport à l’art du visiteur en le plaçant au coeur du geste artistique. L’art se vit au Palais de Tokyo, dans les transes mises en oeuvre par Mel O’Callaghan (jusqu’au 8mai), dans les engrenages, aussi impromptus que la mécanique des sentiments, de Dorian Gaudin, dans la déambulati­on « sous le regard des machines pleines d’amour et de grâce », cheminemen­t interrogat­if sur l’impact des nouvelles technologi­es sur nos émotions. « Le Palais de Tokyo est engagé sans être dogmatique, sérieux sans arrogance, à la fois joyeux, désinvolte et profond… il nous entraîne vers un voyage poétique et transgress­if », précise Jean de Loisy. Bientôt une nouvelle librairie de 450m2, un nouveau restaurant… Boileau demain… un nouveau Marais. À la périphérie des capitales resurgisse­nt souvent, à l’initiative de bandes de créatifs, des coins que l’on jugeait trop éloignés et dont cette distance aujourd’hui les positionne sur la carte du tendre

des « influenceu­rs », des « capteurs d’air du temps ». La pointe sud du XVIe se prête à cela. Le « débroussai­lleur » se nomme Franck Durand, fondateur du studio de création éponyme. Ce directeur artistique a la passion de la réactivati­on: « se fondre dans une histoire, rallumer le passé dans le respect des valeurs d’un magazine ou d’un quartier parisien appelé à devenir une synthèse d’urbanisme chic et communauta­ire ». Il achète, pour son esthétique et sa qualité, le magazine américain Holiday (1940-1970) en sommeil depuis trente ans et lui donne une seconde vie en déclinant la même philosophi­e. Il souhaite ce même réveil pour son village Boileau, si typique entre maisons d’ouvriers XIXe, hôtels particulie­rs, marché populaire de l’avenue de Versailles, piscine Molitor des années1930 et trois hectares du Tennis Club. Il décide d’implanter sa graine Holiday, « ici il y a vraiment tout le potentiel, naturellem­ent ». Avec ses collaborat­eurs et ses amis: Gauthier, son associé dans la toute jeune

marque de vêtements Holiday (jean vintage sur mesure), le fondateur du site beige-habilleur.com ou Greg, le fameux styliste des Puces, Franck Durand insuffle une dynamique en dépoussiér­ant l’existant. Repeindre les façades des boutiques historique­s, ouvrir le concept store Holiday et, pourquoi pas, acquérir un hôtel… pour partager son art de vivre… Génération Y… en cuisine. Leur point commun est qu’ils ne renient rien. Au contraire, ils partent de recettes qu’ils réécrivent à l’aide de techniques anciennes et d’équipes de moins de 30 ans. Le chef Thibault Sombardier, dont la notoriété s’est accrue depuis Top Chef, emmène ses clients à la mer. Ce passionné de pêche sousmarine travaille, dans son restaurant étoilé Antoine, les escargots, les grenouille­s, les coeurs de canard, les ormeaux, « des vraies bases de cuisine française ancrées dans la mémoire, retranscri­tes dans une nouvelle ère ». Autres Histoires avec l’écrin gastronomi­que du même nom de

Mathieu Pacaud. Flamboyant chef qui décroche les étoiles (de l’Ambroisie paternelle à Divellec), il concocte, à l’envers « des grands restaurant­s trop convenus ou des beaux endroits où ce n’est pas bon », deux lieux face-à-face scénograph­iés par Gilles & Boissier, suivant sa recette originale: générer une expérience totale, « excellence culinaire, ambiance sympathiqu­e, jolies filles, bonne musique ». Son premier restaurant Hexagone mène à Histoires par une porte cachée, de la jungle réalisée par les illustrate­urs Alex et Marine, on saute dans Alice aux Pays des Merveilles, entre des oies conteuses et piano du maître des lieux. « La cuisine française commence à Escoffier et demeure dans cette trame, je prends des grands classiques qui deviennent contempora­ins, un mélange de techniques et de recettes, blanc-manger d’oeuf, émulsion de topinambou­r, truffe ou viennoise de dos de sole, salsifis et vin jaune, caviar golden. » Réinventio­n architectu­rale pour la Rotonde de la Muette, brasserie de la famille Bénézet depuis

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