Vivre Côté Paris

Françoise Pétrovitch, un autre monde.

L’artiste multiplie exposition­s et installati­ons.

- PAR VIRGINIE BERTRAND.

Sur la pointe des pieds on y entre, car tout est rangé, sans coulures de peinture, hauts murs blancs avec vue sur les arbres, presque une clairière au coeur d’une forêt gardée par un mouton-sentinelle en grès. Dans la lumière traversant­e, les compagnons de Françoise Pétrovitch interpelle­nt. Ce sont des personnage­s, hommes et/ou animaux nés de la précision du trait, du geste libre du pinceau, de la terre. « Ce ne sont pas des dominants, des êtres de pouvoir, ils sont en instance, de passage. » Ils se répondent sans cesse et sans histoire, sautent d’un médium à l’autre, se masquent, se déguisent, deviennent biche ou lapin. La petite fille danse avec son ours pour « la vie en rose », le garçon est aussi pétrifié que le poussin dans ses mains, l’adolescent flotte parmi les taches organiques et colorées, une mère passe… On attend la suite, on s’interroge devant l’oiseau sur le dos. Est-il mort ou au repos? Un paysage à la japonaise, laisse place à une allée vierge, où mène-t-elle? La main en réserve blanche, vierge de peinture, est-ce une prière incertaine? Un détail d’une précision impitoyabl­e saisit le regard, on est hypnotisé par les poings serrés rouge sang, le bec du moineau, les poils hérissés du chat. Au sous-sol, parmi les encres classées par format, le renard du Cheshire né d’une collaborat­ion avec la Manufactur­e de Sèvres, panse ses hématomes « bleu de Sèvres », comme ses deux amis, Alice au lapin et le lapin géant. La légèreté de leur émail blanc iridescent garde les traces du modelage de l’artiste. « J’aime faire monter la matière, je travaille toutes mes pièces à l’échelle. » Celles-ci font un bon mètre. Les dessins peints à même le sol approchent les deux mètres et les Wall drawing côtoient les huit mètres de hauteur. À l’opposé, une série de pieds émaillés longent le mur, « les pieds laissent présager ce qu’il y a au-dessus » comme le demi-chien, le demi-mammouth, ce qu’il y a de l’autre côté. Le monde sensible de Françoise Pétrovitch n’a pas de limites comme l’imaginatio­n du spectateur.

Cette travailleu­se effrénée, de formation Arts Appliqués plus Normale Sup, professeur de gravure, à l’école Estienne, se réfère à l’histoire de l’art et aussi aux événements actuels. Pendant deux ans, elle s’empare d’une actualité saisie sur France Inter et la traite en dessin puis l’associe à une autre tirée de sa journée. Le somme totale fait 1465feuill­es répertorié­es dans plusieurs classeurs et s’intitule Radio Pétrovitch. Chaque jour, le travail d’atelier est vital. Quand elle quitte le sien, c’est pour partager celui des autres, verriers à Meisenthal, céramistes au sud de Saint-Étienne, fondeurs. Quand à ses compagnons « de rêve ou de cauchemar car on ne sait jamais comment cela finit », ils s’échappent de l’atelier avec la complicité de son mari photograph­e-réalisateu­r Hervé Plumet pour s’immortalis­er en images dans les herbes d’un parc ou s’animer dans une vidéo. Sans trame narrative, Françoise et Hervé juxtaposen­t les images par série, une sorte de cadavre exquis d’où transparai­ssent les thèmes de la fin de l’enfance, de la mémoire, de la complexité des rapports humains, amoureux ou mère-fille, soeur-soeur, Au sortir de son atelier, une courte halte dans sa maison qui lui fait face. Au détour de l’entrée, une phrase sur un miroir de l’artiste Bruno Bressolin « On ne se remet jamais tout à fait d’une enfance heureuse. »« Alice n’est plus une toute petite fille et tout le monde le sait. », ajoute Françoise dans un de ses livres. « Peindre, dit-elle », jusqu’au 28 mai. Exposition collective au musée des Beaux-Arts. 85, rue des Arènes, 39100 Dôle. Tél. 03 84 79 25 85. « Nocturnes », jusqu’au 18 juin. Exposition personnell­e au Centre d’art de Campredon. 20, rue du Docteur Tallet, 84800 L’Isle-sur-la-Sorgue. Tél. 04 90 38 17 41 et campredonc­entredart.com Françoise Pétrovitch. À la Semiose galerie. 54, rue Chapon, 75003. Tél. 09 79 26 16 38 et semiose.fr ou francoisep­etrovitch.com

 ??  ??
 ??  ?? Ci-dessus, une autre vue de son atelier de Cachan avec ses dernières huiles sur toile, devant Sans Titre, 2016, au fond Nocturne, 2016. Ses oeuvres rejoignent les musées, le Centre Pompidou, le Mac Val, le musée de la Chasse et de la Nature et les...
Ci-dessus, une autre vue de son atelier de Cachan avec ses dernières huiles sur toile, devant Sans Titre, 2016, au fond Nocturne, 2016. Ses oeuvres rejoignent les musées, le Centre Pompidou, le Mac Val, le musée de la Chasse et de la Nature et les...

Newspapers in French

Newspapers from France