Photos de famille
Blumenfeld a su aussi imposer son esthétisme en presse comme en publicité.
En 1943, Erwin Blumenfeld compte parmi les photographes de mode les mieux payés du monde! Juif berlinois, il participa à l’avant-garde dadaïste et surréaliste à Paris dans l’entre-deuxguerres, avant d’émigrer aux États-Unis pour fuir le nazisme. Il collabore, alors, à Vogue, Harper’s Bazaar, Cosmopolitan… Dix ans plus tard, supplanté par Richard Avedon et Irving Penn, il s’éloigne de la presse féminine et se tourne vers la publicité. La postérité aurait pu l’oublier, si sa petite-fille, Nadia Blumenfeld Charbit, n’était pas décidée à le remettre en lumière. Elle organise des expositions jusqu’à Tokyo. Celle-ci avait neuf ans à la disparition de son grand-père en 1969. « Je me souviens de son accent allemand, de ses ongles rongés, de ses mains dévorées par les produits chimiques utilisés pour développer ses images. Il était drôle, faisait des tours
de magie, nous racontait des histoires effrayantes. Et quel désordre dans son studio à Manhattan ! Ses archives s’en ressentent. » Des archives dont hérite sa jeune assistante et compagne, Marina Schinz, laquelle va donner à Nadia près de sept cents Kodachromes et Ektachromes. « Les couleurs avaient passé, il a fallu les “reconstruire”, numériser chaque film… » Grâce à quoi, elle dévoile des clichés inédits à la Cité de la Mode et du Design, choisis avec la complicité de François Cheval, ancien directeur du musée Nicéphore Niepce de Chalon-sur-Saône. Mises en page graphiques, cadrages audacieux où des mannequins se démultiplient, se reflètent dans un miroir, surgissent derrière des voiles, des grilles, des vitres dépolies. « Blumenfeld serait étonné de voir exposées ses photos de presse, reconnaît Nadia. Une fois publiées, elles semblaient ne pas avoir d’avenir. » Eh bien, si ! « Studio Blumenfeld New York 19411960, l’art en contrebande », jusqu’au 4 juin. Cité de la Mode et du Design. 34, quai d’Austerlitz, 75013. Tél. 01 76 77 25 30 et citemodedesign.fr