Vivre Côté Paris

ESPACE DE SÉRÉNITÉ

- TEXTE Virginie Bertrand P HOTOS Stephan Julliard

L’architecte d’intérieur Nicolas Schuybroek a conçu un « sas de décompress­ion » aux belles dimensions.

Dans la bouillonna­nte rue de Rennes, l’architecte d’intérieur Nicolas Schuybroek a conçu un « sas de décompress­ion » aux belles dimensions. Un lieu épuré, vitré, économe dans les couleurs et les matières. Tout en lignes souvent soutenues de noir, l’espace s’adoucit à la patine des meubles aux formes organiques.

Lorsque Nicolas Schuybroek parle de ses inspiratio­ns, l’homme se dévoile. De Hans van der Lann, moine bénédictin architecte qui s’attache à donner au lieu une dimension spirituell­e, au Studio Mumbaï, qui rassemble ébénistes, maçons… dans une approche vernaculai­re et philosophi­que et dont le fondateur Bijoy Jain se voit comme un passeur de lieu. « Hans van der Lann a développé tout un système de proportion­s, un peu comme Le Corbusier l’avait fait. Il a fait construire des abbayes, où tout était pensé – les pupitres, les autels, les bancs… Il y a une dimension mystique, religieuse, monacale dans tous ses projets, où le soin absolu porté au niveau des espaces de circulatio­n génère une fluidité, de la pensée. Il y a aussi des textures et des matériaux, qui rendent les espaces très calmes, très reposants ». Quand son ami Jérôme Roret lui montre, avant de l’acheter, cet appartemen­t aux pièces étroites, restées dans leur jus depuis plus de cinquante ans, leurs esprits convergent vers une potentiali­té a priori cachée. Le futur propriétai­re aime l’effervesce­nce du quartier, qui est celui de son enfance, et les cours arrière arborées aux airs de campagne. Nicolas Schuybroek, lui, pressent la possibilit­é du plan. Il inverse donc la place de la cuisine et de la salle de bains. « On a décidé de traiter la cuisine comme un bloc à l’intérieur de l’appartemen­t, a priori pas en lien direct avec les fenêtres. Pourquoi ? Pour pouvoir créer un très grand salon d’un seul tenant ». Pour ce faire, les trois petites pièces d’origine de l’appartemen­t sont réunies en un espace de vie. Les bibliothèq­ues se découpent dans les murs, symétrique­ment, et sont soulignées du même noir mat que les portes acier de la cuisine. Aucune rupture de la transparen­ce, de la continuité dans les matériaux, les tons. Le parquet en point de Hongrie se teinte de gris et se prolonge, dans la cuisine, par du marbre de Carrare, matière choisie pour l’îlot central, dont les résidus de découpe serviront, en carreaux de 10 x 10 cm, dans la salle de bains. « On a créé quelque chose de très sculpté, de très simple, très fluide, où on ne perd pas d’espace mais où la lumière est omniprésen­te, et où les circulatio­ns sont quasiment infinies, mais sans avoir l’impression de perdre de la place ». Comme avec les réalisatio­ns du Studio Mumbaï, les artisans sont étroitemen­t associés au projet : « J’ai voulu respecter le travail artisanal. Il y a beaucoup d’artisans sur mes chantiers ». Les corniches du salon ont été refaites plus architectu­ralement, la cheminée se compose de trois blocs avec un foyer en acier noir mat, les bibliothèq­ues vont par paire et se font face. Tout est dessiné, réalisé à la main jusqu’au bloc central de la cuisine sculpté dans un unique morceau de marbre… qui a été monté entier au 6e étage. « J’évite de multiplier les matériaux, afin de garder un calme visuel dans les espaces. Ne jamais dépasser plus de deux pierres différente­s, ne pas utiliser plus de deux types de bois. Ceci pour conserver une palette douce et contrastée, qui ramène l’oeil au calme. » Quant aux meubles, entre ceux de Pierre Jeanneret et de Pierre Chapo, les luminaires scandinave­s de Pavoo Tynell, ils donnent au lieu du corps, de l’histoire… et de l’esprit.

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