PROFESSION CHEF DE CAVE
Frédéric Panaïotis a la noble mission de perpétuer le style frais et élégant des champagnes Ruinart et d’assurer leur mise en valeur à l’international. Une tâche dont ce chef de cave polyglotte s’acquitte avec passion. Portrait d’un alchimiste.
FRÉDÉRIC PANAÏOTIS CHEF DE CAVE CHEZ RUINART
C’est lors d’un déjeuner de Noël, en 1984, qu’un vin l’a marqué pour la toute première fois. Ce richebourg 1976 de Jean Gros, Frédéric Panaïotis en parle encore avec émotion : « Je me souviens de la table, du verre, de la couleur de ce grand bourgogne et même de ses arômes. » L’étudiant était pourtant tombé depuis déjà longtemps dans la marmite – «Enfin, dans un fond de verre! Un pur chardonnay de Villers-Marmery » que produisaient ses grands-parents, vignerons dans la montagne de Reims. Assez naturellement, le Champenois suit des études d’ingénieur agronome, à l’Institut national agronomique Paris-Grignon et passe son diplôme d’oenologue à Montpellier. Un séjour en Californie, et le voilà de retour chez lui, en 1991, au Comité interprofessionnel du vin de champagne (CIVC), avant d’intégrer une vénérable maison de Reims, Veuve Clicquot, où il se frotte au pinot noir. Mais l’appel du chardonnay de son enfance le pousse à rejoindre, à 43 ans, un autre grand nom de la Champagne, Ruinart, fondée en 1729. Depuis son arrivée, les vins affichent une précision, une délicatesse, un éclat aromatique inégalés jusqu’ici. Frédéric Panaïotis illustre le rôle essentiel du chef de cave dans le rayonnement d’une marque. Mais, modeste, quand on lui parle de la mise sous les feux de la rampe de sa corporation, il tempère : « Les stars, ce sont les champagnes. Nous, nous passons une grande partie de notre carrière à parler des vins que nos prédécesseurs ont réalisés. Nous ne sommes que les gardiens du style pour les générations à venir.» C’est sans doute pourquoi la présentation de l’exceptionnel Dom Ruinart 2007, en octobre dernier, a revêtu une dimension particulière pour lui, intime même. La première vendange qu’il a conduite chez Ruinart et qu’il a pris le risque de déclarer en millésime. Audacieux pour celui qui venait juste de prendre ses fonctions au sein de cette pépite du groupe LVMH. Les avis sur la qualité de la récolte étaient assez partagés à l’époque… Ambassadeur consciencieux de la marque, Frédéric n’hésite pas à parcourir les cinq continents pour commenter ses vins. Un plaisir pour ce polyglotte – il parle couramment sept langues, dont le japonais – curieux des cultures du monde. De l’empire du Soleil levant, qui le fascine, il a rapporté des champignons succulents qu’il cultive dans son jardin. Cette immersion permanente dans l’univers de la bulle ne l’empêche toutefois pas d’aimer l’eau… salée. Ce fou de biologie marine est un as de la plongée; il est même devenu moniteur d’apnée, discipline réputée dangereuse. « Les gens ont des a priori sur ce sport, corrige-t-il cependant. Je ne prends pas de risques inconsidérés, je les évalue préalablement. » Comme pour le Dom Ruinart 2007…