OEUVRE EN FUSION
L’atelier de la photographe plasticienne Sabine Pigalle s’apparente à un laboratoire, où s’ébauche son oeuvre.
Radical, monacal, l’atelier de la photographe plasticienne Sabine Pigalle s’apparente à un laboratoire inspirant, une chapelle arty où s’ébauche religieusement l’oeuvre de la créatrice, exposée prochainement à Châteaudun dans le cadre des célébrations des 500 ans de la Renaissance.
Max Ernst, Chaïm Soutine, mais aussi Loulou de la Falaise avaient leurs habitudes dans cet immeuble des années 1930. Un vaisseau blanc percé de verrières, où l’art a conservé ses repères. Sous la nef de l’atelier, la lumière pénètre à flots. Huit mètres de hauteur sous plafond coiffent l’antre immaculé de Sabine Pigalle. Du blanc immodéré sur les murs, une laque grise au sol, un volume d’exception en duplex vitré, accueille son laboratoire créatif. Une page blanche, une respiration, où le dépouillement laisse la place aux idées, rythmées par les envolées lyriques s’échappant des baffles. Les meubles choisis, en petit nombre, privilégient le design des années 1950 : une table et des chaises de Jean Prouvé, des meubles industriels, un canapé de Florence Knoll, une table en métal perforé de Mathieu Matégot, partout la ligne accompagne l’épure de l’architecture 1930 toujours présente. Au pied de l’une de ses oeuvres, Cardinal Last Supper – détournement de La Cène de Léonard de Vinci – un coin repas aux allures de réfectoire et la cuisine à carreaux blancs qui semble être un clin d’oeil à Jean-Pierre Raynaud. Ici, le jeu est une religion. Sabine brouille les pistes, superpose les lectures et navigue en zone libre. Son atelier, tour à tour studio photo, bureau, showroom et galerie, mélange les genres à l’image de son travail. Une oeuvre qui fusionne les époques et les styles, entre peinture et photographie. Les plus célèbres portraits classiques des XVe et XVIe siècles sont truqués minutieusement par la créatrice, qui superpose peintures anciennes et photos contemporaines. Aux vêtements et à la pose d’origine des personnages extraits de tableaux anciens, celle-ci greffe des visages photographiés qui se fondent dans une illusion parfaite. Trouble, décalée, entre fiction et réalité, l’image fixe « un vrai-faux souvenir » témoin du fil fragile de nos mémoires. La forme diffère mais le fond est le même, au sol une marelle composée de plaques de marbre gravées : la série « Sloganus » fustige les citations de la sagesse populaire latine, pied de nez aux vérités universelles. Humour et impertinence, peuplent cette galerie de portraits d’un troisième type dans un jeu de télescopages qui façonne les lieux en une oeuvre totale.