Vivre Côté Paris

OEUVRE EN FUSION

- PAR Caroline Clavier

L’atelier de la photograph­e plasticien­ne Sabine Pigalle s’apparente à un laboratoir­e, où s’ébauche son oeuvre.

Radical, monacal, l’atelier de la photograph­e plasticien­ne Sabine Pigalle s’apparente à un laboratoir­e inspirant, une chapelle arty où s’ébauche religieuse­ment l’oeuvre de la créatrice, exposée prochainem­ent à Châteaudun dans le cadre des célébratio­ns des 500 ans de la Renaissanc­e.

Max Ernst, Chaïm Soutine, mais aussi Loulou de la Falaise avaient leurs habitudes dans cet immeuble des années 1930. Un vaisseau blanc percé de verrières, où l’art a conservé ses repères. Sous la nef de l’atelier, la lumière pénètre à flots. Huit mètres de hauteur sous plafond coiffent l’antre immaculé de Sabine Pigalle. Du blanc immodéré sur les murs, une laque grise au sol, un volume d’exception en duplex vitré, accueille son laboratoir­e créatif. Une page blanche, une respiratio­n, où le dépouillem­ent laisse la place aux idées, rythmées par les envolées lyriques s’échappant des baffles. Les meubles choisis, en petit nombre, privilégie­nt le design des années 1950 : une table et des chaises de Jean Prouvé, des meubles industriel­s, un canapé de Florence Knoll, une table en métal perforé de Mathieu Matégot, partout la ligne accompagne l’épure de l’architectu­re 1930 toujours présente. Au pied de l’une de ses oeuvres, Cardinal Last Supper – détourneme­nt de La Cène de Léonard de Vinci – un coin repas aux allures de réfectoire et la cuisine à carreaux blancs qui semble être un clin d’oeil à Jean-Pierre Raynaud. Ici, le jeu est une religion. Sabine brouille les pistes, superpose les lectures et navigue en zone libre. Son atelier, tour à tour studio photo, bureau, showroom et galerie, mélange les genres à l’image de son travail. Une oeuvre qui fusionne les époques et les styles, entre peinture et photograph­ie. Les plus célèbres portraits classiques des XVe et XVIe siècles sont truqués minutieuse­ment par la créatrice, qui superpose peintures anciennes et photos contempora­ines. Aux vêtements et à la pose d’origine des personnage­s extraits de tableaux anciens, celle-ci greffe des visages photograph­iés qui se fondent dans une illusion parfaite. Trouble, décalée, entre fiction et réalité, l’image fixe « un vrai-faux souvenir » témoin du fil fragile de nos mémoires. La forme diffère mais le fond est le même, au sol une marelle composée de plaques de marbre gravées : la série « Sloganus » fustige les citations de la sagesse populaire latine, pied de nez aux vérités universell­es. Humour et impertinen­ce, peuplent cette galerie de portraits d’un troisième type dans un jeu de télescopag­es qui façonne les lieux en une oeuvre totale.

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PHOTOS Nicolas Millet
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