PEINTRE MATIÉRISTE
Selon Pierre Bonnefille, une couleur ne se conçoit que si elle devient matière et référence à la nature.
« Une couleur ne vit que si elle devient matière sous une lumière particulière. » Pour Pierre Bonnefille, peintre matiériste qui crée ses propres palettes, la couleur est une nuance qui ne s’envisage qu’en référence à la nature. Entretien avec ce coloriste, qui explore la couleur à la manière d’un botaniste.
Quelle est votre approche de la couleur ? C’est une approche sensible et émotionnelle. J’utilise singulièrement les couleurs pour des créations murales ou des pièces de mobilier. Je travaille à partir d’une inspiration se référant à la nature. Pour cela, je garde toujours en mémoire ce triptyque couleur, matière et lumière.
Comment la travaillez-vous ? Pour étudier toutes les variations de couleur, je réalise des photos en zoomant un maximum sur les détails. Je prends aussi des notes pour préciser la nature de certains pigments, les variations chromatiques d’un minerai de cuivre qui contient un bleu, un brun, un orangé, un vert. Je ramasse des éléments, de la terre, un caillou, une branche. Je réalise également des aquarelles qui permettent de mémoriser ce qui ne se perçoit pas en photo. Je fabrique mes couleurs comme un alchimiste. Je vais mélanger telle pâte pigmentaire ou telle couleur avec telle charge, en ajoutant des sables, des terres, des végétaux, pour que le pigment devienne matière et s’offre à la lumière. Matiérée et diluée ? Je suis reconnu comme peintre matiériste. Pour faire vivre ces épaisseurs, je travaille comme un aquarelliste, avec des applications et des évaporations de couleurs qui vont s’assembler avec des matières très rugueuses pour donner une profondeur. La série des « Bronze Paintings » est un travail sur les poudres de bronze, d’or et d’argent. Ma préoccupation est concentrée sur la mémoire de lumière comme celui d’un reflet sur l’eau, avec des couleurs chaudes au couchant ou plus froides sur un lac gelé. Pour recréer ces impressions, je façonne des outils à partir de lames d’acier ou de bois, comme ces arêtes du corail-champignon qui m’ont inspiré une spatule pour appliquer.