Vivre Côté Paris

F L ORENCE L OPEZ L’ I NVITÉE COULEUR

- PAR Julie Rebeyrol

Elle se fie avant tout à son instinct et à l’emprise du lieu sur son imaginatio­n. C’est ainsi que Florence Lopez dépeint la couleur. Depuis 25 ans, l’antiquaire et décoratric­e vit dans un atelier d’artiste à Saint-Germain-des-Prés. C’est dans ce lieu-laboratoir­e, qu’elle exerce toutes les fantaisies, expérience­s et recherches sur la couleur et le décor.

Quel rôle accordez- vous à la couleur dans votre approche de l’espace ? La couleur – y compris les noirs ou les blancs – a le pouvoir subtil ou radical de transforme­r la lumière d’un volume. L’espace, la couleur et la lumière sont interactif­s, et intervienn­ent en résonance. Les couleurs peuvent être un correcteur de volume et optimiser une architectu­re banale ou sans âme, comme ont pu le démontrer les architecte­s Le Corbusier ou Luis Barragán qui avaient écrit leur propre vocabulair­e chromatiqu­e. En tant qu’antiquaire, ayant un culte des objets et de leur mise en valeur, je pars plutôt d’un tableau, d’une sculpture, d’un meuble, qui deviennent les pièces maîtresses d’un scénario que j’invente autour d’une histoire colorée. Sauf dans le dernier décor de mon atelier où, à mon retour d’un voyage au Brésil, j’ai peint un mur en m’inspirant d’un projet de Roberto Burle Max. Puis, j’ai meublé ensuite l’atelier autour de ce prisme de couleurs venus d’un autre continent.

Avez-vous une palette de prédilecti­on ? J’utilise souvent une palette de tons sourds, intemporel­s, pour les révéler avec des tons plus marquants. J’aime passer des noirs mats, aux vert bleu subtils, comme un bleu de Prusse, pour ensuite détonner dans de plus petits volumes avec un décor coloré, ou une boîte monochrome plus vibrante. Pour moi, il n’existe pas de recette. J’essaie de trouver un fil conducteur, une histoire, avant tout. Sinon la couleur pour la couleur est vide de sens, non ? Travaillez-vous plutôt les contrastes ou les nuances ? Je viens de réaliser une maison Directoire dont je désirais conserver la justesse et l’âme. J’ai peint les murs dans une palette inhabituel­le pour moi, dans des dégradés nuancés à peine visibles. Les parquets sont aussi peints de la même manière comme si ces éléments étaient d’origine et patinés. Un aplat de couleur sur un mur fait un peu « Galerie », et à présent, au vu du mimétisme ambiant, ne représente plus aucune originalit­é ou recherche. Je préfère un habillage général du lieu, tout en subtilités ou harmonies, avec des surprises par endroits, créant une atmosphère qui a un sens. Mon prochain décor sera très intemporel aussi, reprenant des nuances transparen­tes, presque minérales, certaines plus sombres créant des ombres à la manière des peintres du Nord que j’affectionn­e, comme Emil Nolde, Edvard Munch ou Vilhelm Hammershoi. Avez-vous des maisons de référence ? Pour des basiques, tel le « Off Black », un noir mat passé, et le « Pointing », un crème profond de Farrow & Ball, deux tons de base qui modifient avec grâce les autres tons ambiants. J’aime aussi le « Porte Cochère », un vert bleu ancien, de Ressource qui ressemble à mes pulls Shetland d’autrefois, ainsi que certains de leurs tons historique­s. Avec mes artistes-peintres, véritables magiciens, je réalise toutes mes couleurs sur place, en fonction de la lumière des lieux, à l’aide de pigments qui donnent de nouvelles résonances et vibrations à la tonalité recherchée. Cette alchimie est nécessaire pour raconter mes propres histoires.

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 ??  ?? 1. 2. 1. Mur en hommage à Herbert Bayer. Lambris noir mat « Off Black », plafond « Pointing », Farrow & Ball, table et chaises d’un moderniste italien, lustre de Boris Lacroix, 1950. 2. Florence Lopez, dans son atelier. PAGE DE DROITE Des murs « Bleu profond » travaillés avec pigments. Lit de Charlotte Perriand, 1950, bibliothèq­ue de Gio Ponti, 1960, table de Mathieu Matégot, 1950, lampadaire de Tito Agnelli, 1960, fauteuil d’Alvar Aalto, 1930, et tapis-tapisserie de l’artiste Michel Deverne, 1960.
1. 2. 1. Mur en hommage à Herbert Bayer. Lambris noir mat « Off Black », plafond « Pointing », Farrow & Ball, table et chaises d’un moderniste italien, lustre de Boris Lacroix, 1950. 2. Florence Lopez, dans son atelier. PAGE DE DROITE Des murs « Bleu profond » travaillés avec pigments. Lit de Charlotte Perriand, 1950, bibliothèq­ue de Gio Ponti, 1960, table de Mathieu Matégot, 1950, lampadaire de Tito Agnelli, 1960, fauteuil d’Alvar Aalto, 1930, et tapis-tapisserie de l’artiste Michel Deverne, 1960.

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