Vivre Côté Paris

COLLECTION À VIVRE

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PAGE DE GAUCHE

Dans la salle de bain carrelée de blanc, la baignoire est cerclée de marbre noir.

Au côté d’une photo de Marylin Monroe au téléphone par Sam Shaw, le drapé d’une muse romaine auréolée de corail. Luminaire « Tegola », 1970, IGuzzini.

PAGE DE DROITE

Dans la chambre, en guise de chevet, un bas-relief, fragment de sarcophage d’époque romaine et un buste de l’empereur Néron du XVIIIe. Au mur, une toile abstraite de René Roche entourée d’appliques de Jacques Biny. Fauteuils 1950 en fibre végétale et rotin de Michel Buffet. Draps en lin lavé, Terre de Toscane, AM.PM.

De la rive gauche au musée du Louvre, à Drouot en passant par le musée de Arts Décoratifs et le Louvre des antiquaire­s, Adrien Chenel parcourt au quotidien une planète esthétique animée par l’esprit de collection. Dans l’axe du pont du Carrousel, son appartemen­t suspendu sur le quai Voltaire, contemple la Seine. Île aux trésors, avec sa façade Renaissanc­e et ses reflets changeants, le Louvre, porte en lui une légende des siècles que le monde entier nous envie. Inspiré et inspirant, ce cadre unique est l’antre de l’antiquaire. Formé à la photograph­ie à Londres, il capture le monde à sa façon et compose un univers à vivre bien dans son temps, accompagné par des silhouette­s de marbres et une touche de mobilier vintage chiné au fil des rencontres. Avec Gladys et Ollivier Chenel, il forme ce trio profession­nel exigeant de la galerie Chenel. Le monde antique leur tend les bras dès l’enfance niçoise bercée par des parents antiquaire­s et collection­neurs de céramiques de Picasso. Les exposition­s de la galerie sont attendues, avec des sculptures romaines, grecques, égyptienne­s ou étrusques et des scénograph­ies construite­s autour de thématique­s fortes. Tourné vers le Louvre, l’appartemen­t d’Adrien Chenel est agencé à la manière d’un théâtre. Il y vit en effet au rythme d’un foisonneme­nt d’objets de collection dont certains sont permanents, d’autres plus mobiles et voyageurs, au gré des exposition­s et des salons internatio­naux. Lui seul, sait ce qui compose son monde intime et personnel. Ses assemblage­s forment le décor mouvant de fragments de vie qui traversent les âges, à l’ombre de trois mille ans d’histoire. Pour l’antiquaire, « donner du sens au mouvement » : voilà la véritable question. À l’entendre, « on ne dira jamais assez combien une oeuvre antique est habitée, ni combien elle se régénère et s’épanouit en côtoyant un mode de vie et des créations contempora­ines ». De l’oeuvre archéologi­que unique à l’objet céramique, à la photo contempora­ine, chaque création puise dans un jardin secret et trace un sillage. Confortabl­ement installés dans les fauteuils en ronde-bosse « Camaleonda » de Mario Bellini, on parle cinéma. Il est là le véritable prisme d’Adrien Chenel. Celui qui entre en résonance avec son art de dénicher des pièces rares et sa vision de photograph­e, celui qui dessine des contours, dirige la lumière et donne vie aux collection­s. Les années cinquante et soixante, Clouzot, Pasolini, Antonioni… Un court-métrage de Rohmer qui se glisse dans le choix du carrelage de la cuisine. « Les belles choses me retiennent, dit-il, elles se marient au souvenir fugace d’images. » Ainsi, un luminaire 1950 rouge crée un contrepoin­t stimulant dans une salle à manger à la Wes Anderson, classique et saupoudrée de bleu. De la vie privée à la galerie, l’exercice du regard est bien celui de la curiosité, de la liberté de ton qui chemine dans une géographie d’objets choisis. C’est là toute la magie intuitive de la famille Chenel.

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