Vivre Côté Paris

COMME UNE PAGE BLANCHE

- PAR Virginie Bertrand

À Ivry, une ancienne menuiserie renaît en lieu de création photograph­ique.

À IVRY, UNE ANCIENNE MENUISERIE, À L’ABANDON, RENAÎT EN LIEU DE CRÉATION PHOTOGRAPH­IQUE, SOUS L’IMPULSION DE L’ARTISTE BENOIST DEMORIANE. À SA MÉMOIRE PREMIÈRE, DE LABEUR DE CHARPENTIE­RS, SE SUPERPOSEN­T DEPUIS VINGT ANS DES SÉANCES DE PRISES DE VUE DEVENUES LÉGENDAIRE­S. UN LIEU DÉCIDÉMENT TRÈS HABITÉ.

« L’atelier, c’est le lieu de l’imaginaire, de l’irréel, de l’idéal, de l’illusion… C’est mon lieu, pourtant, d’une réelle existence ». Quand le peintre Benoist Demoriane acquiert cet espace délaissé, il le répare, comme on le ferait pour un meuble bancal, sans en changer la patine, ni atténuer les marques du temps. La toiture est restaurée, la charpente renforcée mais les murs s’élevant à plus de sept mètres de haut conservent les stigmates du passé, le sol ses éraflures, les planches de bois l’usure des outils. On les appelle des martyrs. Les différente­s couches de peinture remontent à la surface, pareilles à des souvenirs qui affleurent. Des blancs salis, des bleus délavés, des gris effacés, des alternance­s de matières en un gigantesqu­e tableau prêt à recevoir tous les décors. Benoist Demoriane est habité par cet endroit. « De la peinture, je me suis orienté vers la photograph­ie. Aujourd’hui, je ne peins plus qu’en photograph­iant mes modèles » qu’il recueille dans un ouvrage Les Visites d’Atelier. Il l’ouvre aussi à d’autres photograph­es venus du monde entier. Jean-Baptiste Mondino fait se balancer Vanessa Paradis aux poutres métallique­s pour la maison Chanel, Mario Testino vampe l’espace de ses créatures fantasques pour Versace, Sébastian Kim saisit l’excentriqu­e bande de John Galliano, ou Jane Birkin se prête à l’objectif de sa fille Kate Barry. L’immensité du lieu libère l’imaginatio­n. Vincent Darré modèle en fil de fer des personnage­s géants surgis des dessins de Jean Cocteau, capturés par le photograph­e Olivier Zham. Benoist Demoriane raconte comment Philippe Starck et sa femme ont débarqué un matin en scooter, et peint à l’aide de grands balais une immense moquette métamorpho­sée en oeuvre abstraite, ou cet artiste italien qui a dessiné en direct sur des grands panneaux un décor pour un magazine de décoration. Cet antre, chargé pourrait-on dire de tant de séances photograph­iques, traversé par l’énergie de performeur­s, qu’ils soient photograph­es, mannequins, acteurs ou danseurs de l’Opéra, favorise un dépassemen­t créatif, un art de planter le décor, de participer à un nouveau chapitre.

 ??  ?? Cent vingt mètres carrés en lumière naturelle, une immense verrière de sept mètres cinquante de haut, avec une mezzanine de cinquante mètres carrés et de cinq mètres cinquante sous plafond, le lieu est préservé dans son état d’origine avec la patine et l’altération du temps. Briques, bois, parpaing, ciment… restituent la mémoire de cette fabrique devenue atelier. Son caractère post-industriel confère aux images qui y sont réalisées un supplément de mystère.
Cent vingt mètres carrés en lumière naturelle, une immense verrière de sept mètres cinquante de haut, avec une mezzanine de cinquante mètres carrés et de cinq mètres cinquante sous plafond, le lieu est préservé dans son état d’origine avec la patine et l’altération du temps. Briques, bois, parpaing, ciment… restituent la mémoire de cette fabrique devenue atelier. Son caractère post-industriel confère aux images qui y sont réalisées un supplément de mystère.

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