ARCHITECTES À LA PLAGE
Des architectes répondent à l’appel lancé par la curatrice Tina Bloch, qui les convie à co-créer avec le sable.
Soixante architectes ont répondu à l’appel du large, lancé par l’auteur et curatrice, Tina Bloch. Elle les convie à co-créer avec le sable, au rythme des marées. Chaque réalisation est sauvée des eaux par l’oeil du photographe. À la clé, les livres «Archisable 1 et 2», dont sont extraites ces images.
C’est un laboratoire d’expériences à ciel ouvert, un projet ouvert, comme une école sur le terrain. En pactisant avec les éléments, l’architecte construit une oeuvre poétiquement forte, mais initie aussi une piste de réflexion pour une architecture durable. » Sous la forme d’un projet ludique, Tina Bloch interrogerait-elle la trace de l’homme à l’ère de l’Anthropocène? Question primordiale abordée avec malice. Elle propose aux architectes venus de tous les pays, reconnus internationalement, un retour à leurs fondamentaux, sans ordinateur ni bureau, juste des seaux, pelles et des râteaux. Et les place dans une situation inédite, à la fois libre par la dimension infinie de la page blanche et contrainte par la temporalité inexorable des éléments. «L’échelle disparaît, l’imaginaire est en marche, la photo terrienne et aérienne, avec l’utilisation du drone dans la saison 2, fait révélateur », tient-elle à souligner. Un premier rendez-vous est donné en 2016 sur la plage de Deauville, face à la maison de famille dans laquelle elle les accueille. « Archisable a généré une humanité et des liens auxquels je ne m’attendais pas du tout. Peut-être un peu à cause de l’évidente connexion entre la maison et la mer, puisque la mer nous fait face, toute proche. Mais aussi la convivialité, la communauté de pensée, le désintéressement magnifique de ces gens, souvent célèbres, venus donner leur temps pour la grâce d’un projet éphémère. » Dans la saison 1, c’est le photographe Michel Tréhet qui capture dans son objectif, les réalisations éphémères des architectes Paul Andreu (Aéroport Charles de Gaulle, Grande Arche de la Défense), Roger Taillibert (Parc des Princes, Kakifa Stadium à Doha, Qatar), Youssef Tohmé (éco-quartier Bruneseau à Paris), Jakob+MacFarlane (Cité de la mode et du design), Yann Kersalé (oeuvres de lumière) et de vingt autres. La Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris expose ses images dans la galerie des moulages et paraît le premier tome d’Archisable, édité par Xavier Barral en 2018. Une deuxième saison suit avec Alexandre Chemetoff (île de Nantes), Hugh Dutton (verrière de l’Hôtel de la Marine), Vincent Parreira (Tour Émergence des Batignolles), Bernard Desmoulin (extension du musée de Cluny), Brigitte Metra (salle de concert de la Philharmonie de Paris) et trente autres téméraires. Tous, de sable et d’eau, s’adonnent à cet exercice aussi physique que conceptuel. De la somme de ces expériences, s’esquissent de nouvelles perspectives, au gré des flux et reflux, mises en lumière par Michel Denancé, photographe d’architecture et notamment de Renzo Piano et Bernard Desmoulin. « La plage est une arène, un théâtre antique pour un combat de Titans où la mer gagne toujours. » En écho lointain : les mandalas tibétains, les sand-paintings des Navajos amérindiens, les sand castings de Costantino Nivola et Le Corbusier, sur la plage de Long Island. Les images d’Archisable 1 et 2 s’exposeront en 2022 à Marseille à la Friche la Belle de Mai et au musée Mer Marine à Bordeaux.