Sissi libérée, délivrée
Comme un clin d’oeil prémonitoire et doublement anachronique, Marie Kreutzer rend, par hasard, hommage aux femmes iraniennes en coupant la longue et emblématique chevelure de Sissi dans son film “Corsage”. A l’époque de Sissi fin du XIXe siècle, comme au moment du tournage du film, le soulèvement en Iran n’était évidemment pas d’actualité. Pour le spectateur actuel, ce symbole féministe d’affranchissement des règles oppressives et patriarcales saute pourtant aux yeux. Si aucune archive n’ancre cette coupe de cheveux radicale dans la réalité historique, beaucoup de détails de la vie de l’impératrice d’Autriche-Hongrie, repris par la réalisatrice autrichienne pour construire son personnage de femme mutine sont véridiques et historiquement étayés.
À mille lieues de la princesse belle, amoureuse et conciliante incarnée par Romy Schneider – que les Allemands ne se lassent pas de redécouvrir chaque Noël à la télévision – l’impulsive Sissi de “Corsage”, interprétée par Vicky Krieps, passe d’objet de désir à sujet, maîtresse de son destin. Elisabeth s’injecte de la cocaïne, fume à tout bout de champ, se fait tatouer une ancre sur l’épaule, se soumet à un entraînement sportif et à un régime drastique. Sissi est une brillante cavalière qui sait aussi manier le fleuret. Impertinente, curieuse et dépressive, elle voyage à travers le monde, a un avis sur tout et déteste les codes étriqués qui régissent son rôle de représentation. L’histoire de Sissi fascine depuis des décennies. Dès 1932, une opérette retraçait le destin de l’impératrice Elisabeth, et faisait salle comble pour plus de 300 représentations à la suite. Aujourd’hui, au-delà du flamboyant biopic “Corsage” qui sort en salle le 14 décembre, deux séries entreprennent de revisiter l’histoire de l’impératrice, lui prêtant des moeurs plus libérées. Icône invariablement moderne, l’histoire et l’image de Sissi semblent se réinventer avec les époques.