Mémoire et ADN
Le 8 octobre dernier, s’est achevé le premier procès des bébés volés en Espagne. La plaignante, Inés Madrigal, une employée de 49 ans a accusé Eduardo Vela, 85 ans, ancien obstétricien de la clinique San Ramon de Madrid, de l’avoir enlevée à sa naissance en 1969 à sa mère biologique pour la donner à Inés Pérez, une femme stérile. Le tribunal madrilène a jugé le médecin responsable des délits d’enlèvement, de falsification de documents officiels et de stimulation d’accouchement mais les faits étant prescrits, celui-ci a été relaxé. Une décision de justice douce-amère pour la plaignante, qui a immédiatement déclaré qu’elle ferait appel auprès de la Cour suprême. Ce premier procès demeure historique pour de nombreuses familles de victimes. Il lève enfin le voile judiciaire sur un trafic massif d’enfants qui de l’après guerre civile a perduré jusqu’aux années 90. Selon l’ancien magistrat Baltasar Garzón près de 30 000 enfants auraient été soustraits à leur famille biologique pour des adoptions illégales sous le franquisme. De nombreuses associations qui évaluent ce chiffre à dix fois plus, dénoncent un véritable scandale d’état. Le tout nouveau livre-enquête de l’anthropologue espagnole Neus Roig, No llores que vas a ser feliz, décrypte les ressorts de ce trafic. Ainsi, entre 1939 et 1952, c’est tout d’abord pour des motifs idéologiques que s’organise le vol d’enfants des prisonnières républicaines. A partir de 1952 et jusqu’en 1975, ce sont les femmes célibataires stigmatisées par le régime franquiste qui sont les victimes de ces vols d'enfants. Après la transition démocratique, le trafic continue et devient alors un véritable business. Les proies sont des mères de milieux défavorisés à qui on annonce que le bébé est mort-né. Des familles stériles déboursent alors jusqu’à 2 millions de pesetas pour « adopter » ces enfants. S’appuyant sur le modèle argentin, les associations de victimes demandent qu’une banque d’ADN soit mise en place.