Une si longue période spéciale
Mi-février, 133 tonnes de morceaux de poulet ont été dérobées dans les entrepôts frigorifiques de l’entreprise étatique chargée de la distribution et commercialisation de produits alimentaires à Cuba ! Ce vol spectaculaire s’inscrit dans un contexte de pénurie alimentaire sans précédent. Les Cubains font face à la pire crise économique jamais traversée depuis trente ans. Le fantôme de « la période spéciale » des années 90 après la chute de l’empire soviétique rôde avec son chapelet de restrictions et de coupures de courant. Cuba produit à peine 30% des aliments nécessaires à la consommation et doit importer. L’agriculture est en friche à l’image de la chute drastique de la production de canne à sucre faute de main d’oeuvre et de carburant. Et le tourisme, source principale de devises, est aussi en berne. La plus grande île des Caraïbes n’a pas retrouvé la fréquentation touristique d’avant pandémie. Elle souffre de la concurrence de Cancun ou de la République dominicaine. Depuis 2021, entre 500 000 et 700 000 Cubains ont fui. Il s’agit d’un exode massif. D’autres centaines de Cubains ont mis leur vie en pause en attendant de quitter l’île. Pour caractériser leur situation, on utilise le terme de « pré-migrant ». Avec un salaire moyen en dessous de 30 euros par mois, la population active n’a plus les idéaux de ses aînés. En janvier, l’île a célébré les 65 ans de la révolution castriste mais la population est lasse. Les espoirs d’ouverture amorcés par Barack Obama et Raúl Castro en 2016 ont été balayés depuis longtemps sous l’ère Trump. Et la présidence Biden n’a pas levé les sanctions commerciales qui frappent Cuba depuis la mise en place du «bloqueo».