Wıllıam Wegman
Peintre et pionnier de l’art vidéo, l’Américain William Wegman a eu une épiphanie au début des années 70, lorsqu’il a commencé à faire de son premier chien, MAN RAY, un BRAQUE DE WEIMAR, la star de clichés anthropomorphiques. Des images apparaissant comme
Qu’est-ce qui vous a conduit à la photographie? Je viens des Beaux-Arts, de la peinture; à la fin des années 60, mes installations et mes performances m’ont amené à me servir d’un appareil photo. Au départ, il s’agissait de documenter mon travail. Mais j’ai peu à peu créé des mises en scène expressément destinées à être photographiées. J’ai aussi commencé à explorer la vidéo, à l’époque. La peinture était morte – du moins, c’est ce que je croyais. La photo me semblait plus pertinente.
Un mot sur Man Ray, votre premier chien ? Je l’ai eu en 1970, quand j’ai emménagé à Los Angeles. La première fois que je l’ai photographié, il était étendu sur le lit comme une vieille chaussette. Je n’aurais pas pu imaginer qu’il allait devenir tellement central dans mon travail. Pourquoi cette obsession pour les braques de Weimar? L’une de leurs singularités, c’est cette robe grise un peu miroitante. Ils prennent très bien la lumière et semblent infusés de la couleur du set. Ils sont comme des fantômes. Des fantômes qui peuvent muter… Shooter des chiens ou des humains, même combat? Mes chiens adorent être photographiés, ils aiment qu’on les regarde. J’ai plus de mal à regarder des humains de la manière dont je dois le faire quand ils sont mes modèles.
L’idée des mises en scène vous est-elle parfois apportée
par vos chiens eux-mêmes? Non, mais ils doivent l’approuver. Certains sont plus ouverts et tolérants que d’autres. Ma chienne Fay n’aurait jamais posé avec des objets métalliques, par exemple. Vous avez l’habitude de dire que vos chiens «parlent»… Parce qu’ils communiquent parfaitement sur la manière dont ils ressentent le set, la mise en scène, les assistants, les autres chiens… Il m’arrive de repenser les choses pour leur éviter du stress.
Une photo favorite entre toutes? J’en ai plusieurs : Dusted, avec Man Ray, Lolita, avec Batty. Il y a aussi celle de Candy en train de faire le poirier. Et j’aime certaines images impliquant plusieurs chiens, comme Dog Walker, où l’un, debout et en manteau, promène l’autre. Bien que vous soyez étroitement associé à vos photos de chiens, vous menez d’autres projets. Lesquels, actuellement? Aujourd’hui, je passe plus de temps à peindre et dessiner qu’à n’importe quoi d’autre. J’ai renoué avec la peinture en 1985, après l’avoir abandonnée pendant près de vingt ans. Mais c’est vrai qu’on me connaît surtout pour mon travail sur les chiens. Je viens d’ailleurs de terminer un livre qui le compile, Être humain (éd. Textuel, sortie à l’automne). On y voit aussi bien Man Ray que Flo et Topper, qui sont photographiés dans ce numéro.
Un mot de ce shooting, justement? J’ai été surpris de voir que les chiens se débrouillaient extrêmement bien sur le set. Ils n’ont pas beaucoup travaillé cette année, mais ils étaient prêts et les photos sont meilleures que je ne l’espérais. Il m’arrive de me servir de vêtements dans une approche très sculpturale; mais, cette fois-ci, j’ai été amené à faire comme si on était sur un shooting de mode «normal», à travailler de manière simple et directe, et c’est ainsi que sont sorties ces images que je trouve très surprenantes.
Qu’espérez-vous susciter, avec vos clichés
anthropomorphiques ? J’espère simplement que les gens aiment le résultat. Qu’ils disent «wow» ou «pas mal du tout». Et sinon, qu’ils applaudissent au moins les chiens.