Le club des CINQ

À partir de mi-août, la rentrée littéraire sera lancée avec environ 600 romans français et étrangers sur les étals des libraires. Comment s’y retrouver? Notre sélection des cinq titres phares à ne pas rater.

EVA IONESCO : Innocence (Grasset) Six ans après son film My Little Princess – autour de son enfance toxique avec sa mère, la photographe érotique Irina Ionesco, qui n’hésita pas à shooter sa petite fille dans des positions plus qu’impudiques pendant des années –, Eva Ionesco en livre une prolongation littéraire sous la forme d’un premier roman. Ou plutôt, le texte est là pour ajouter, combler les non-dits du film : où est le père ? Pourquoi ne protège-t-il pas la petite ? Innocence est le magnifique récit d’une absence, d’une attente, d’un amour désespéré entre un père et sa fille, séparés par la mère. Ce père hongrois, élégant, qui se serait inscrit à la Waffen-SS en 1944, serait aussi espion – fantôme mystérieux, personnage de conte de la Mitteleuropa qui va hanter Eva toute sa vie. (Sortie le 23 août) NATHAN HILL : Les Fantômes du vieux pays (Gallimard) Dès sa parution aux États-Unis l’année dernière, ce premier roman est devenu un phénomène. Mais Nathan Hill a beaucoup losé avant de devenir une star: sa voiture a été volée (avec son ordinateur et le début de son roman), il s’est retrouvé à la rue, a été hébergé par un ami qui l’a initié aux jeux vidéo. Vaincre un dragon, est-ce le seul héroïsme auquel sont condamnés les jeunes Occidentaux? Samuel, le héros, prof d’université, passe son temps à jouer à des jeux d’heroic fantasy. Ou à enquêter sur sa mère, activiste de gauche dans les sixties, qui a plaqué sa famille quand Sam avait 10 ans et resurgit au début du livre en jetant des cailloux sur un candidat républicain (genre Trump). Impossible de lâcher ce roman épique qui capte toute la déshumanisation du monde contemporain. (Sortie le 17 août) ALAN MOORE : Jérusalem (Inculte) Avec son look gothique et ses bandes dessinées cultes (Watchmen,

V for Vendetta, From Hell, etc.), Alan Moore s’est imposé comme l’une des plus grandes figures de l’underground britannique. D’autant que, n’appréciant pas les films tirés de ses livres et fidèle à ses principes, Moore a refusé d’en toucher les royalties. Il signe aujourd’hui Jérusalem, un roman fleuve (plus de mille pages) sur la ville de Northampton où il vit toujours, entre saga familiale, roman historique et récit fantastique où les fantômes ont droit à la parole. La plus grande révélation de la rentrée littéraire. Traduit de l’anglais par Claro (sortie le 30 août). ÉRIC REINHARDT : La Chambre des époux (Gallimard) Pendant qu’il écrivait Cendrillon, sa femme, Marion (Margot dans le livre) est tombée gravement malade. Un cancer du sein qui aurait pu la tuer. Ensemble, ils ont fait un pacte: il finissait son roman, elle guérirait. Reinhardt met tout son romantisme (et il en a des tonnes!) au service de cet immense roman d’amour, où chaque page est un hymne au couple et à la force des sentiments. À sa sortie il y a dix ans, Cendrillon fut un succès, et MarionMargot guérissait. Pari gagné, donc, ce qui n’empêcha pas l’auteur de s’effondrer quelques mois plus tard. Par un vertigineux jeu de miroirs et de mises en abîme, Reinhardt emboîte un autre roman dans le roman, pour creuser en profondeur ce qui se joua de crucial à ce moment de sa vie. Magnifique. (Sortie le 17 août) DAVID LOPEZ : Fief (Seuil) Au rayon français, c’est le premier roman le plus décoiffant. Dans ces «no man’s land» que sont les zones d’habitation entre la banlieue et la campagne, David Lopez, 32 ans, a mis en scène des gamins en errance. Jonas et ses amis fument de l’herbe (qu’ils font pousser dans leur jardin), s’entraînent sur des rings de boxe, tentent de draguer des filles, mais surtout, ils tchatchent. C’est le langage qui est le véritable héros de Fief, c’est dans leurs flux de mots que ces jeunes vivent, dans ce fief fait de conversations et de vannes qui pulsent. Drôle, énergique, grave, la découverte de la rentrée. (Sortie le 17 août)