VOGUE France

Stephen King

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À plus d’un titre, on admettra que cette photo est inquiétant­e. Elle produirait même une certaine terreur froide. Comme s’il était de toute façon trop tard. Le maître américain du roman d’horreur donne sur cette photograph­ie le sentiment d’un homme qui a renoncé à la compagnie des humains – lesquels n’avaient pas dû être toujours tendres. La panoplie, puisqu’il n’est pas exclu qu’il s’agisse là d’une mise en scène, est celle de Jerry Lewis, Dr Jekyll et Mister Love. Les dents ? De lapin. Le regard ? Planqué derrière des lunettes quintuple foyer. Le cuir chevelu ? Euh…, négligé. Voire abandonné. Mais surtout, il y a ce petit rire sardonique. L’ensemble donne les signes d’une vengeance d’ores et déjà à l’oeuvre : infliger un maximum de souffrance­s à ceux qui, constammen­t, lui en ont infligé. Stephen King a vécu une enfance quasiment isolée des autres, retiré très tôt de l’école pour raisons de santé. Sans ami, seul chez lui, il est un enfant qui écrit des livres d’horreur. Mais le pire dans cette image est ailleurs, le pire est plus haut : c’est le troisième chat. Celui dont l’exquise papatte escalade un Annapurna de cheveux gras jusqu’à marquer du sceau de sa griffe un emplacemen­t blanc dans un océan noir pétrole. Par cette tache, le chat sait avoir gagné. L’homme n’est déjà plus un humain, il est baptisé, de leur côté. Il est rejoint. Alors, en baissant les yeux, on remarque que King écrivain possédé, homme déboussolé, pas loin d’être franchemen­t abîmé, corrige du même regard de chat le photograph­e. Il fait couple avec la sale bête qu’il tient dans ses bras. Son enfant ? Non, son maître. Le chat, royal, nous fixe : insensible à un monde humain qu’il hypnotise et domine déjà. Étrangemen­t, King tel qu’on le voit, envahi par les chats, n’a que très peu fait entrer les félins dans son écriture horrifique. Il y est allé à pas de loup. Mais en 1977, l’année où il écrivit Shining, l’enfant lumière, il publie dans la revue

Cavalier une nouvelle : The Cat from Hell. Elle raconte comment un tueur à gages est engagé pour protéger un septuagéna­ire des attaques d’un félin racé. Le riche client est un magnat de l’industrie pharmaceut­ique. Ses batteries de tests ont tué, au nom de la recherche, des millions de chats. L’un d’eux, d’une violence sauvage rare, est là pour se venger. Cette photo date approximat­ivement de la même époque. Elle dit à peu près la même chose (les minous ne sont pas contents), sinon ceci de supplément­aire : un homme vit désormais parmi les félins les plus aiguisés, les plus cruels. C’est peut-être même lui qui les envoie. Il a les noms. Il a les adresses. Il a la rage. Il a la solitude. La peur est son royaume. (Philippe Azoury) de gauche à droite et de haut en bas: Salvador Dalí avec Babou, son félin colombien; Steve McQueen; Michael Jackson et son chimpanzé Bubbles; Paul Newman avec sa femme Joanne Woodward et un de leurs chiens; Miley Cyrus et son cochon domestique Pig-Pig, et deux amoureux des chats, Fred Astaire et Jacques Dutronc, qui en a eu jusqu’à 38 dans sa résidence corse…

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