VOGUE France

IN BED WITH MATT DILLON

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C’est une photo de Matt Dillon au lit, écho à la sienne prise par sa soeur Kate Barry, qui a donné l’idée à Charlotte Gainsbourg d’une conversati­on SMS avec l’acteur sacré idole depuis «Rusty James» et «Drugstore Cowboy». Au programme, Lars von Trier, le cinéma, New York...

[Charlotte Gainsbourg] Salut Matt. J’espère que tu vas bien. Je me demandais si tu ferais un truc avec moi pour le Vogue français. Je fais le numéro de Noël et j’ai repensé à une vieille photo de toi au lit avec un pistolet laser. Elle fait écho à une photo de moi au lit que ma soeur Kate a prise. On aurait pu avoir une conversati­on un peu weird par texto? Ou pas forcément weird! Ou autre chose, je sais pas. Mais je suis tellement en retard, j’étais prise sur un tournage alors j’ai attendu la dernière minute. Pardon je t’ai pas dit, c’est Charlotte (Gainsbourg) depuis mon portable français.

[Matt Dillon] Bien sûr. [ C.G.] Dis-moi quand on peut commencer. Mais je ne sais pas par où commencer, ni où on devrait aller. Peut-être juste un faux dialogue au lit un dimanche matin… Chacun dans son propre lit je veux dire! [ M.D.] Eh bien on est dimanche matin. Mes capacités motrices ne sont pas encore toutes disponible­s. Besoin de café. Pas sûr de savoir ce que tu as en tête. Mais je suis partant! [ C.G.] As-tu déjà regardé par la fenêtre ce matin ? [ M.D.] Tu es à NY ou Paris ? Comment va Yvan ? [ C.G.] J’étais à Paris il y a quelques heures. Maintenant, Biarritz. On est là encore trois jours. Yvan et moi on devient «basques»… [ M.D.] Sympa. On peut commencer quand tu veux. Dis-moi ce que tu avais en tête, ça peut être drôle. Comment se passe le documentai­re que tu pensais faire sur ta maman? Tu l’as commencé, au moins ? [ C.G.] Je l’ai commencé. J’ai tourné au Japon avec elle. J’ai adoré. Même si c’était dur. Elle a absolument détesté et m’a dit plus jamais ! Donc on a arrêté là ! Tu vois le ciel depuis ton lit ? [ M.D.] Je peux voir le ciel depuis mon lit et les toits et les réservoirs d’eau. Il pleut aujourd’hui. Mais les feuilles sont orange vif. Et toi? Les toits de Paris? [ C.G.] Les toits évidemment ! Tu ressens quoi, là ? [ M.D.] L’envie d’un café. Toujours. [ C.G.] Beurk. Lait ? Sucre ? [ M.D.]Tu n’aimes pas le café ? [ C.G.] J’aimais ça avec une cigarette. C’était qu’une excuse pour fumer. [ M.D.] Ha ha, au passé. Tu as arrêté ? [ C.G.] Il était une fois… [ M.D.] Oui moi aussi. Même si je fume des cigares de temps en temps. [ C.G.] Yvan aussi. J’ai essayé. Ça me dépasse. Quoi de prévu pour la journée ? [ M.D.] Je dois faire quelques courses que je n’ai pas réussi à faire cette semaine. J’avais une deadline de montage. [ C.G.] Ton documentai­re ? [ M.D.] Oui le monstre ! Le docu c’est dur. Tu vas en faire un ? [ C.G.] J’espère. J’en ai commencé un avec ma mère. Un peu chargé émotionnel­lement de mon côté. Elle n’a pas aimé le premier tournage. J’avais pas envie de la torturer, ça n’a jamais été mon intention… Tu as des nouvelles de Lars? Je t’ai perdu… [ M.D.] Désolé, j’ai été très pris par un truc. Je vais définitive­ment le finir ce soir et te l’envoyer, tu l’auras demain. Je l’ai vu à Copenhague pour l’avant-première de The House That Jack Built. On se parle régulièrem­ent, je lui ai envoyé une oeuvre avec «Huskgoshus­k» écrit en bas. Un dessin. Lars avant et après. Ha ha ! Ça me parle. Vraiment une expérience unique. Ça a changé la manière dont je perçois les choses, niveau créatif. Quelqu’un a déjà employé le mot Huskgoshus­k sur l’un des films que tu as fait avec lui? Ça veut dire sois bordélique ou ose sortir du cadre. [ C.G.] Alors il y a un «avant Lars» et un «après Lars»? Oh, c’est parfait ! Non il n’a pas employé ce mot avec moi. Il répétait «je te crois pas» ou «c’était vraiment mauvais !» quand j’en faisais trop. [ M.D.] Avant Lars j’aimais répéter. Après Lars plus trop. Mais tu jouais si bien dans ses films. [ C.G.] Exactement. Je ne les comprends plus. Ça me semble être une perte de temps. Je ne disais pas «exactement» en réponse à «tu jouais si bien…» !!!! Je veux voir ton film. Il vient de sortir en France, mais pas là où on tourne. Tu t’es senti vulnérable? [ M.D.] Il me donnait un chiffre comme 20 % de moins ou parfois 170% de moins. Une fois il m’a dit que j’étais viré. Mais c’était une blague. [ C.G.] Et t’es pas devenu fou ? Pendant Melancholi­a, j’ai cru qu’il voulait me virer mais qu’il ne savait pas comment s’y prendre…!!! [ M.D.] Il y a eu des journées difficiles sur le tournage alors qu’on s’aventurait en territoire inexploré. Je suis quasi sûr qu’il t’adorait et qu’il voulait te virer. La clé avec lui, c’est de lui faire confiance. Tu penses pas ? Tu as dû lui faire confiance pour aller là où tu es allée. [ C.G.] C’était une confiance aveugle. Et j’adorais être aveugle. [ M.D.] Lors d’un dîner avant qu’on commence à tourner, elle m’a dit «tu n’essaierais pas un peu de me faire confiance.» Et je me suis dit qu’il ne m’avait donné aucune raison de ne pas le faire. Il. D’ailleurs je voulais dire qu’il ne voulait pas te virer (autocorrec­t) D’ailleurs est-ce que tu vas corriger ces coquilles ou garder ce bordel ? [ C.G.] Des gens ont trouvé ça courageux. Je trouve que tu ne travailles pas avec lui par courage mais parce que tu oses plutôt. Un peu comme un enfant naïf. Qu’est-ce que tu préfères? Le bordel? [ M.D.] Tu as raison. Au diable la prudence. Ça pourrait être un peu confus quand je dis «elle» au lieu de «il». C’est le seul truc. Ça me plaisait qu’il en ait rien à foutre des trucs techniques genre les raccords, raccorder les mouvements et même le fait d’apprendre son texte (ce que je faisais toujours.) Mais je changeais mes répliques spontanéme­nt. L’artiste à laquelle je pense en ce moment c’est Alice Neel. [ C.G.] Non maintenant le problème, c’est que je me dis qu’il ne vaut mieux PAS connaître son texte par coeur…! Mais ça ne marche pas du tout avec les autres!!! Je la connais pas. C’est une peintre? [ M.D.] Enfin tu avais beaucoup de dialogues dans Nymphomani­ac si je me souviens bien. Comme mon ami Stellan. [ C.G.] Oui, c’est la seule fois où on n’a pas pu réinventer le dialogue. Trop précis. Mais il y avait tant à faire en si peu de temps qu’on a dû lire des répliques affichées sur des panneaux un peu partout dans la pièce. Stellan est tellement merveilleu­x. As-tu parlé à quelqu’un aujourd’hui ? [ M.D.] Oui c’est vraiment un acteur inventif et c’est un plaisir de travailler avec lui. Oui ma copine, j’ai marmonné quelque chose du genre tu vas où. Je vais m’arracher du lit et la retrouver pour un café. (Alice Neel) C’était une artiste figurative en pleine mode de l’expression­nisme abstrait à New York. Elle a peint les portraits des gens de son quartier dans Spanish Harlem. Tu devrais y jeter un coup d’oeil. [ C.G.] Je te libère alors. Devrait-on se retrouver tous les quatre pour dîner quand on viendra à New York ? [ M.D.] Oui ma chérie ce serait super. Fais un gros câlin à Yvan de ma part. [ C.G.] Je le ferai. De même de ton côté. Merci encore ! Merci pour ton temps. [ M.D.] À la semaine prochaine.

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