FEMME D’INFLUENCES
Des années baby doll, jambes kilométriques et cils de poupée, aux signes extérieurs de féminité neutralisés sous vêtements d’homme, la silhouette de Jane Birkin est un inoxydable objet de fascination. Par Marie Eugène
Des années baby doll, jambes kilométriques et cils de poupée, aux signes extérieurs de féminité neutralisés sous vêtements d’homme, la silhouette de Jane Birkin est un inoxydable objet de fascination.
ses yeux de faon aux cils-éventail, sa bouche exquise comme suspendue à une histoire qu’elle seule peut entendre, sa frange, ses longues jambes, ses seins minuscules : c’est Jane B. époque Swinging London. Depuis ses premiers pas au cinéma dans Le Knack… et comment l’avoir et Blow Up, la plus française des petites Anglaises n’aura eu de cesse d’imprimer sa légendaire allure dans l’imaginaire des femmes et des hommes du monde entier – sans préméditation, voilà la magie de l’histoire.
Et ça commence par un érotisme pudique, une robe transparente longueur T-shirt, un panier en osier, des babies à talons carrés, les cheveux lâchés. Fille et garçon, déjà mère, amoureuse, bientôt muse, promise au mythe : dans les premiers pas en surexposition de la fille de 20 ans, il y a déjà tout ça, et une aura d’amie prodigieuse. Elle le sait, à une époque où l’on célèbre les formes plantureuses et les beautés à scandale, elle n’est pas considérée comme «dangereuse».
Toujours une octave au-dessus de son temps et en perpétuel mouvement, la Londonienne de la rive gauche se fout des interdits, des modes, des tocades. Le jean flare porté taille haute sur des hanches étroites, les plateformes, les cuissardes, la chemise d’homme XXL, la veste de costume froissée, le marcel blanc en coton écossais, le micro-short coupé, le crochet, les décolletés sans fin, les formes floues, l’ancien, l’usé, les manches roulottées, le sac qui trimballe une vie entière et au-delà… La liste est longue des dégaines birkiniennes qu’on imite, petites soeurs, ex-fans des sixties ou bébés des années 2000. Dans Slogan de Pierre Grimblat, qui sonne le début de son histoire avec Gainsbourg et avec les Français, il lui disait : «Tu ressembles aux vacances.» Et c’est si juste : aujourd’hui encore, qu’elle passe une main dans ses cheveux, cherche ses réponses en fixant un point imaginaire, cachée derrière ses verres roses et ses vêtements trop grands qui la rendent d’autant plus délicate et sublime, qu’elle sourie, des larmes dans les yeux, Jane Birkin tient cet équilibre maladroit et charmant d’ancrage et d’allers-retours interstellaires, de précision et de naturel, de politesse et de bohème joyeuse dont on veut encore et encore et encore…