COSMÉTIQUES GENDER FREE
Du soin au maquillage : la révolution des genres serait-elle en marche en beauté aussi ? Par Frédérique Verley et Mélanie Defouilloy, photographe Chris Colls, réalisation Virginie Benarroch
À l’ heure où le maquillage pour homme monte en puissance et où le soin cible davantage le résultat que le type de peau, peut-on encore classer les cosmétiques par genre ? La révolution No Gender serait-elle en marche ici aussi ?
Vision universelle
Avant même son arrivée en mode, le concept de «gender fluidity» régnait déjà sur la sphère beauté. Cela fait bien longtemps que les hommes piquent les crèmes de leur femme, surtout celles d’apparence un peu neutre. Mais le mouvement s’amplifie. «Le skincare devient littéralement genderless, car ni lié au genre, ni lié au sexe de naissance, mais à l’efficacité et à l’innocuité, bref à la santé de la peau», explique Sue Nabi, qui a fondé la marque Orveda. Cela est d’autant plus vrai que le discours s’est concentré ces dernières années sur le glow, l’éclat, la bonne mine healthy, le fait d’avoir l’air en forme. «C’est une attente mixte et majeure, pour tous les genres, à tous les âges. Personne ne veut avoir l’air fatigué.» Une tendance d’autant plus forte que les canons de beauté évoluent. On l’a vu lors de la dernière fashion week, on célèbre aujourd’hui les beautés plurielles, voir originales : «Cette libération entraîne une tolérance totale vis-à-vis des canons de beauté et tous les stéréotypes sont en train de disparaître, finalement. Sans divulguer nos prochains lancements, je peux vous dire que nos pistes de développement sont de moins en moins focalisées sur les genres», a exprimé Edgar Huber, président de Coty Luxury, au dernier Vogue Fashion Festival.
6 marques double jeu
Et si on choisissait enfin ses formules cosmétiques selon les besoins de son environnement cutané, plutôt que par rapport à une paire de chromosomes ?
Asarai Une histoire familiale où les parents, la soeur et le frère voulaient opérer un retour aux sources, loin des stéréotypes traditionnels de la beauté genrée. Cette ligne courte aux packs solaires appelle à l’action pour bien démarrer sa journée. (1 et 8) Earth Tones, 29 $, et Ultralight, 49 $. asarai.com
Non Gender Specific La marque, qui affiche clairement la couleur, propose un cocktail unique de 17 ingrédients naturels pour combattre la fatigue, les micro-ridules, le manque d’élasticité, gagner en luminosité et réenclencher le renouvellement cellulaire. Une demande universelle, non ? (2) Serum Everything, 65 $. nongenderspecific.com
Aesop Les produits de la marque australienne sont à l’image de ses boutiques archi-design à travers le monde : uniques. Chez Aesop, les actifs, les odeurs et les galéniques séduisent unanimement dès le premier coup d’oeil. (3 et 7) Toner, 29 €, et Hydratant, 47 €. aesop.com
Orveda. «Parce que tout le monde veut l’effet maquillage sans le maquillage, le glow qui vient de l’intérieur devient aujourd’hui notre première préoccupation», souligne Sue Nabi, à l’origine de la marque. C’est tout le concept des formules Orveda, riches en prébiotiques et en enzymes antioxydantes, à la fois clean et vegan, avec une concentration d’actifs qui dépasse les 30 %. (4 et 5) Masque Ironing Effect, 305 €, et Dévoileur Regard 422, 215 €. orveda.com
Lush Au dernier congrès de la marque, chacun avait la possibilité de choisir un badge indiquant les pronoms avec lesquels il souhaitait être interpellé : «she-her-hers», «he-him-his» ou encore «they-them-theirs». Toujours ultra-engagé, l’Instagram de Lush met d’ailleurs en scène autant d’hommes que de femmes appliquant des masques ou plongeant dans des baignoires colorées. (6) Nettoyant Herbalism, 27,38 €. lush.com
Allies of Skin «La peau est un organe sans genre. Comme nous n’avons pas de coeur femme ou de poumons homme. Nous avons simplement des besoins cutanés différents», explique Nicolas Travis, le fondateur. Ainsi, la marque s’attelle à proposer une routine minimaliste et pointue qui convient à tous les types de peaux. (9) Molecular Saviour Probiotics Mist, 66 €. ohmycream.com
Top Vince. Boucles d’oreilles Stone Paris. Photographe produits Florent Tanet.
Révolution pacifique
Avec sa marque Non Gender Specific, Andrew Glass va un cran plus loin dans la beauté sans genre. Petite mise au point avec le fondateur de ce nouveau mouvement qui s’adresse à tous les humains, sans exception.
Quel a été le point de départ de la création de Non Gender Specific ? Après dix ans dans les cosmétiques, je n’arrivais pas à comprendre comment une industrie aussi progressiste en termes d’innovations était à ce point en retard dans son approche segmentaire. Le monde d’aujourd’hui tend à toujours plus d’égalité, alors que la beauté reste ancrée dans des ségrégations.
Pourquoi avoir voulu clairement revendiquer le concept no gender et ne pas s’être contenté de choisir des packagings neutres, unisexes ? J’ai voulu que la marque s’appelle Non Gender Specific pour donner d’emblée le ton. D’ailleurs notre unique produit «Everything Serum» s’adresse à tout le monde, sans distinction de sexe, ni de problématique cutanée.
Quelles sont justement les grandes valeurs qu’une marque citoyenne devrait prôner aujourd’hui ? Pour moi, il y en a 3. 1) Être la marque de tous les humains. 2) Réduire l’impact écologique en proposant des produits multifonctions. 3) Formuler des produits naturels, vegan, cruelty free qui tiennent vraiment leurs promesses.
Vagabondage des genres
Jusqu’aux années 70, notre société opposait les postures assez simplement et de manière binaire : on était soit un homme, soit une femme. Les années 90 ont bousculé cette idée arbitraire pour gagner en profondeur. Stéphane Hugon, sociologue et fondateur d’Eranos, parle de vagabondage entre les genres. «Les expériences de notre vie quotidienne ont été tellement quantifiées et normées qu’on est fasciné aujourd’hui par une dimension magique, presque irréelle, où il est plus facile d’assumer différentes polarités. Il existe en effet une infinité de manières d’exprimer sa féminité ou sa masculinité. D’ailleurs, on ne cherche plus son identité à l’intérieur de soi, intrinsèquement. On met en avant telle ou telle part de son identité en fonction du contexte, des expériences sociales, des modes.»
Floutage identitaire
«La beauté n’est pas une histoire de genre aujourd’hui, c’est une histoire de style», annonce d’emblée la maison Chanel pour introduire BOY, sa première ligne de maquillage destinée aux hommes. «Les 3 produits de cette collection sont des essentiels, des formules au résultat indétectables pour que l’homme se sente en confiance, déterminé, sûr de lui et de son apparence.» Ce qui donne un baume à lèvres hydratant sans effet brillant, un fluide teinté unifiant et un crayon sourcils pour structurer la ligne. Au-delà du no gender, Nicolas Degennes, directeur artistique maquillage et couleurs Givenchy, parle plutôt de «mélange des genres» pour la collection Mister de la maison qui révèlent 4 textures intuitives et précises. «La réponse pour une transformation de soi vers un autre idéal. Les nouvelles technologies, la rapidité et la révolution des images témoignent que l’impossible n’existe pas…» À l’arrivée: un correcteur instantané et précis, un stick matifiant zéro matière, un fluide bonne mine anti-fatigue et un gel transparent dompteur de sourcils. Chez Tom Ford, la collection de rouges à lèvres Boys & Girls compte aujourd’hui 50 références : 25 nuances nommées d’un prénom féminin dans un étui blanc, 25 nuances dotées d’un prénom masculin dans un étui noir. L’occasion parfaite pour dévoiler une campagne vidéo mettant en scène des hommes et des femmes lipstick addicts pendant une réunion anonyme.
Veste Maison Margiela. Chemise Azzedine Alaïa. Béret Sonia Rykiel. Maquillage Chanel avec la ligne BOY: le Teint n° 30 Medium Light, le Baume Lèvres, sur les yeux l’Ombre Première Crème Noir Pétrole, le Crayon Khôl Noir et le Stylo Sourcils Light Brown. Cheveux texturisés avec le Spray Gloss Brillance ultime Style René Furterer. Mise en beauté Stéphane Marais. Coiffure Damien Boissinot pour René Furterer. Assistante réalisation Livia Rossi.