LE POINT DE VUE DE VOGUE
il y a peu d’artistes français étoffés pour émouvoir hors de nos frontières. Michel Legrand, à travers sa musique, a bouleversé les coeurs du monde entier. Trois oscars signent l’exploit, dont le premier, en 1969, pour L’Affaire Thomas Crown. Je suis une inconditionnelle de Michel Legrand, et ce depuis toujours. Les mélodies qu’il a composées accompagnent le grand huit de la vie, entêtantes bandes-son de toutes les émotions, la joie, la tristesse, l’amour, la mélancolie… D’ailleurs les premières musiques, à travers les films, que j’ai fait écouter à mes enfants sont celles du compositeur : Les Demoiselles de Rochefort, Peau d’âne et bien d’autres. On dit qu’il ne faut jamais rencontrer ses idoles, que l’on est invariablement déçu. C’est faux. Quand, il y a deux ans, j’ai eu la chance enfin de me trouver face à Michel Legrand à la faveur d’une séance photo pour Vogue dédiée à Paris et ses emblèmes sous l’oeil d’Hedi Slimane, j’ai été impressionnée, émue et totalement sous le charme. Il est arrivé au bras de Macha Méril, sa dernière femme, faisant preuve d’une patience, d’une humilité et d’une gentillesse qui n’ont d’égal que son talent. Face à l’objectif d’Hedi Slimane, il était attentif aux consignes de Macha Méril, follement amoureuse et maternelle qui ne le quittait pas des yeux, ajustait son col de chemise, l’encourageait à montrer ses mains sur lesquelles elle s’extasiait. «Il a les plus belles mains du monde, disait-elle, des mains de pianiste. Ce qu’il est beau Michel.» Je peux dire que j’ai été témoin d’un moment de grâce. La première et la dernière image que j’ai de lui est donc celle-ci. L’image d’un homme amoureux éclairé en retour par l’amour d’une femme magnifiquement affectueuse et démonstrative. Une image de jeunesse. Michel Legrand nous a quittés. On dit qu’il s’est endormi dans les bras de celle qui l’aimait. Peut-on rêver outro plus doux ? Ce numéro lui est dédié.