FLASH-BACK
Irving Penn, Vogue Paris, octobre 1950.
C’est Alexander Liberman, directeur artistique mythique de Condé Nast, qui a engagé Irving Penn pour faire partie de l’équipe de Vogue. De 1943 à 2009, le photographe y signera 165 couvertures, dont celle-ci, sublime de fraîcheur, datée d’octobre 1950. Cette année-là, Liberman l’a envoyé couvrir les collections de couture à Paris, mais le jeune photographe ne se sent pas à sa place au milieu des mondanités. Il se réfugiera alors dans un atelier laissé à l’abandon rue de Vaugirard. Est-ce là qu’il shoote cette cover? Et est-ce Lisa Fonssagrives, le mannequin suédois et premier top model de l’histoire de la mode, qui est aussi sa muse et deviendra sa femme ? On ne la reconnaît pourtant pas. La fille de ce shooting, on dirait une gamine, fière comme les enfants, heureuse d’afficher une élégance extrême, frondeuse parce qu’armée d’accessoires. Elle porte un tailleur Balenciaga, une écharpe «en gros lainage» de Meyer, un «béret de velours ponctué de plumes d’autruche»… Un vocabulaire d’une poésie qui nous rend nostalgiques, comme l’image, ses couleurs vives et douces à la fois, cette revendication de chic, cette beauté ultra-féminine, cette allure assumée. Pas étonnant que les cinéastes, du Revolutionary Road de Sam Mendes au Carol de Todd Haynes, aient éprouvé le désir de ressusciter ce glamour Technicolor. Quant au très romanesque Phantom Thread de Paul Thomas Anderson, choc cinématographique de 2017, on peut se demander si ce ne serait pas son influence qui rayonne aujourd’hui sur les collections haute couture. Roses déclinés sur tous les tons, teintes acidulées ou pastel légèrement fanées, élégance pointue, sanglée, désirs réprimés pour mieux s’exacerber – autant de signes d’un passé rassurant quand tout autour de nous vacille.