VOGUE France

SUNSET STORY

- Par Olivier Lalanne, photograph­e Andrew Durham

La «successful» valise tout acier Rimowa vampée par Alex Israel coche toutes les cases et s’annonce sold-out. Rencontre avec les deux chefs d’orchestre de ce coup de coeur, Alexandre Arnault, CEO de Rimowa, et l’artiste californie­n Alex Israel.

Alors que les collabs ont le vent en poupe au pays du luxe, certaines séduisent plus que d’autres, soit qu’elles fusionnent deux identités à fort rayonnemen­t, soit qu’elles donnent lieu à un produit hautement attractif. La «successful» valise tout acier RIMOWA vampée par Alex Israel coche toutes les cases et s’annonce sold-out. Rencontre avec les deux chefs d’orchestre de ce coup de coeur, Alexandre Arnault, CEO de Rimowa, et l’artiste californie­n Alex Israel.

pendant la dernière foire de frieze, à Los Angeles, Alexandre Arnault et Alex Israel ont dévoilé l’écorce pop de leur valise. Pour être tout à fait précis, c’est Alexandre Arnault, 26 ans, CEO de Rimowa (dont LVMH est propriétai­re à 80 % depuis 2016), emblème made in Germany d’une ligne de bagages haut de gamme, hype et résistance inoxydable­s, qui a eu l’idée de solliciter Israel. Le fils de Bernard Arnault, smart et visionnair­e, entend faire mousser l’aura de sa marque et s’envoler en souplesse au-delà de la barre symbolique du milliard d’euros, son chiffre d’affaires. Pour Alex Israel, artiste à 360° qui, dans la lignée d’un Warhol, Dalí ou Keith Haring, a une vision très élastique du concept d’art, l’invitation était irrésistib­le. Les sunsets de Los Angeles, ces dégradés de couleurs hypnotique­s propres au ciel de la ville, sont l’un des traits de caractère de l’oeuvre d’Israel. Il les a donc importés sur le cortex de la plus reconnaiss­able des valises à roulettes au prix de prouesses techniques qui rendent l’objet encore plus unique. Ce n’est pas un hasard si le strip-tease de cette collab a lieu à Los Angeles. Hollywood, ses icônes locales, la soap culture (American Idol, Beverly Hills 90210, Alerte à Malibu…), la grandeur et décadence du star-system, la cité «incubateur» du rêve américain hantent les toiles, les sculptures, et les films d’Alex Israel. Un Alex Israel qui fait corps avec son travail et dont le profil, façon Hitchcock, sert aussi de support physique à son imaginaire. Lunettes noires vissées sur le nez, silhouette adolescent­e, l’artiste est l’incarnatio­n d’une coolitude californie­nne. Face à lui, stature athlétique en jean et blouson de cuir Dior Homme, Alexandre Arnault exhale l’élégance à la française. Entre ces deux passionnés, le courant passe plutôt bien.

Première question à Alexandre. Comment avez-vous découvert le travail d’Alex Israel ?

[Alexandre Arnault] J’ai des amis collection­neurs à Paris qui possèdent plusieurs oeuvres d’Alex. Puis la fondation Vuitton en a acquis une en 2014. Je me souviens avoir été touché, ému et impression­né par son travail. Par cette représenta­tion très personnell­e de Los Angeles par un artiste californie­n. Puis on a fini par se rencontrer. Rimowa a déjà collaboré avec des marques de mode telles que Fendi, Supreme, Off-White. Quelle est la valeur ajoutée d’un artiste comme Alex Israel ?

[A.A.] La valeur ajoutée, c’est de raconter une belle histoire avec des personnali­tés qui partagent nos valeurs et notre créativité. Pourquoi le faisons-nous ? Parce que nous envisageon­s nos produits comme des toiles blanches. La valise Rimowa est tellement identifiab­le en soi que ça nous a autorisés à donner une totale liberté à Alex. Et pourquoi avez-vous accepté, Alex ?

[Alex Israel] J’ai accepté parce que j’adore Rimowa. Je suis un grand voyageur et quand, il y a quelques années, j’ai acheté ma première valise, ça a changé ma vie. C’est facile d’envisager une collaborat­ion quand on aime ce à quoi on associe son nom. Et puis, j’ai été séduit par l’idée de la toile blanche dont parle Alexandre, ça dope l’imaginatio­n. Enfin, pour être tout à fait honnête, c’est une opportunit­é formidable de m’exprimer et de me faire connaître au-delà du monde de l’art. J’ai hâte de croiser quelqu’un au Starbucks de LAX, l’aéroport de Los Angeles, en train de faire rouler la valise que j’ai créée.

[A.A.] À l’origine, les toiles d’Alex sont des paysages fixes. Ce que je trouve très excitant dans ce projet, c’est la dynamique que son oeuvre va prendre grâce à cette valise, au mouvement, à la patine, aux chocs. Son art prend vie en quelque sorte.

À vos yeux, c’est une valise ou un objet d’art ?

[A.I.] Surtout pas un objet d’art, une valise. Une valise passée au filtre de mon univers. L’alphabet visuel de Los Angeles est l’épiderme de l’oeuvre d’Alex. C’est en quelque sorte une exploratio­n culturelle et conceptuel­le de la topographi­e de la ville. Que représente Los Angeles pour vous Alexandre ?

[A.A.] Je suis beaucoup venu à Los Angeles depuis quelques années. La ville est devenue le poumon américain de l’art, de la mode, du design, et de la technologi­e. Et elle n’arrête pas de se développer. C’est la raison pour laquelle les gens passent de plus en plus de temps ici et les sociétés y investisse­nt de plus en plus.

Alex, vous avez quasiment toujours vécu à Los Angeles. Qu’est-ce qui y a le plus changé ces dernières années ?

[A.I.] Je pense que l’expérience de vie à Los Angeles est devenue globale. Le climat est magnifique et la créativité est encouragée. Beaucoup de gens viennent là pour être qui ils rêvent d’être. Pour être aimés, devenir célèbres, toucher du doigt l’épanouisse­ment

et le succès. Grâce aux réseaux sociaux, à internet, on peut partout se faire une idée de ce qu’est la vie ici. Ça impacte le monde entier. C’est peut-être ça qui est nouveau.

Alexandre, à travers vos collection­s capsules, en éditions limitées, vous répondez à une demande croissante d’individual­ité, d’exclusivit­é. Tandis que vous Alex, à travers votre travail, la mise en scène de votre profil, vous nourrissez la vogue du narcissism­e et du «self branding». Pensez-vous que ces symptômes de l’époque vont jouer un rôle encore plus grand dans les années à venir, dans notre culture comme dans l’industrie du luxe ?

[A.A.] Une partie de notre business a toujours été de vendre des produits à des consommate­urs en quête de reconnaiss­ance. À 360°, du tout logo au tout minimalist­e. Aujourd’hui, il est vrai que la demande d’individual­ité, de personnali­sation est beaucoup plus forte. Les gens veulent de l’unique. C’est pour ça que chez Rimowa, nous essayons de répondre à cela en offrant un champ des possibles très vaste. Grâce à la customisat­ion ou à ces collaborat­ions en séries limitées. Rien de tel pour attiser la désirabili­té et créer l’excitation autour de la marque.

[A.I.] Le narcissism­e joue un rôle colossal dans notre culture et plus que jamais. Notamment grâce à ce que les réseaux sociaux et internet nous permettent de faire. Quiconque avec un smartphone entre les mains peut devenir une marque et enchanter sa vie, la transforme­r en une expérience filtrée, désirable, séduisante et populaire. Être suivi, observé, aimé et consommé. Mon travail implique un engagement avec ma communauté car ce que je crée prend sa source dans les paysages et la population de la ville. Que je caste des acteurs pour un film, que j’invite des personnali­tés à participer à mes talk-shows, etc. Mon art implique beaucoup de collaborat­ions. Et la visibilité constante est le langage du moment. Je ne peux pas passer à côté de ça, je veux en faire partie, partager et encore une fois toucher la plus grande audience possible. Sans ironie aucune. Alex, vous êtes un artiste qui développez également une ligne de vêtements, Infrathin, une marque de lunettes, Freeway Eyewear. Vous êtes un peu entreprene­ur. Vous, Alexandre, quel talent artistique avez-vous?

[A.A.] Je joue du piano. Depuis vingt-deux ans. J’ai donné un concert en décembre dernier.

[A.I.] J’ai eu la chance de le voir jouer, il est étonnant. Los Angeles est la ville du rêve américain, l’endroit où l’on peut se réinventer, comme le mentionnai­t Alex. Qu’est-ce que la liberté pour chacun de vous ?

[A.I.] C’est une question difficile. En tant qu’artiste, je crois que la liberté, c’est de ne pas avoir à estampille­r «artistique» tout ce que j’entreprend­s. De ne pas être déterminé. Ça me permet de penser à ce que j’ai envie de dire ou de faire sans nécessaire­ment me préoccuper du concept «d’art».

[A.A.] En tant qu’entreprene­ur avec une carrière encore jeune, la liberté c’est de ne pas avoir d’idées préconçues. C’est ce que j’essaie d’appliquer chez Rimowa. Penser hors des silos, des préjugés, sortir de l’ordinaire, et être capable de réfléchir avec son coeur. Si l’on était complèteme­nt rationnel, nous n’aurions jamais fait pousser une valise géante sur Melrose Avenue. Alex, parmi les artistes qui vous ont marqué, par cycles, on trouve David Hockney, Ed Ruscha, William Leavitt, Jeff Koons, John Baldessari… Et en ce moment ?

[A.I.] Edward Hopper, Georgia O’Keeffe et Oprah Winfrey. Je ne sais pas si c’est une artiste, mais elle m’intrigue beaucoup et m’inspire même.

Et vous Alexandre ?

[A.A.] Ça va sembler bateau mais tant pis. Monet, Van Gogh et dans les contempora­ins, Alex. Sans flagorneri­e.

Alex, vous posez des questions volontaire­ment banales, souvent déstabilis­antes, à des célébrités (Larry Flynt, Bret Easton Ellis, Melanie Griffith, Oliver Stone…) dans vos séries vidéo baptisées «As it lays». Si Alexandre était votre invité, quelle question lui poseriez-vous ?

[A.I.] Ce serait une question au hasard, pas sur mesure pour Alexandre. Ma question préférée dans la nouvelle saison est inspirée par Meat Loaf qui dit : «Je ferais n’importe quoi par amour, mais pas ça.» Je demanderai­s donc à Alexandre ce que selon lui, Meat Loaf ne ferait pas ?

[A.A.] Aucune idée. Je ne sais pas répondre à ça…

[A.I.] Alors quel personnage de fiction te ressemble le plus?

[A.A.] Ah ça, je peux répondre ! Batman…

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L’épiderme de la valise reproduit le colorama signature de l’artiste (en profil au bas de la page).
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