Gaby Douglas, l’écureuil qui planait trop haut
Elle est tellement agile, plane tellement haut, virevolte avec tant de grâce qu’on la surnomme «l’écureuil». Elle a grandi dans le sud des États-Unis et elle est devenue, à 17 ans, en 2012, la première championne olympique noire d’une discipline très fréquentée par les Blancs, la gymnastique. Évidemment, Gaby Douglas y a laissé son enfance. Comme toutes les gymnastes, elle s’est soumise à une discipline de fer et à l’horreur de la répétition pour modeler son corps, le rendre libre, élastique et accomplir à la perfection des figures que personne d’autre ne réalisait. L’Amérique n’aimant rien tant que le travail et la victoire, la chaîne Lifetime a réalisé, en 2014, un film sur sa vie, elle a publié ses mémoires avant d’avoir 20 ans et une émission de téléréalité – «Une famille en or» – s’est penchée sur son quotidien de championne. Un destin de rêve. Sauf qu’une surdouée noire, en Amérique, ça ne va pas de soi. On ne peut pas éternellement la trouver gracieuse. Passée l’euphorie du premier sacre et l’inscription au Livre des records, une partie du public américain se met à la regarder d’un autre oeil. Lors des Jeux de Rio, elle a mené son équipe à la médaille d’or mais n’a pas la main sur le coeur lors de l’hymne américain. Les réseaux sociaux se déchaînent. Antipatriotisme? Rébellion? Gaby devient vite la meilleure ennemie de l’Amérique raciste. Le web se met à crépiter de commentaires acides sur sa coiffure, son absence de sourire, son arrogance supposée. Les lois de la pesanteur l’ont rattrapée. Elle confie avoir été violée, à l’enfance, par le tristement célèbre Larry Nassar, médecin de la gym américaine et, à la tête de son association Hack Harassment, elle se lance dans une autre compétition. Contre le harcèlement en ligne : «N’écoutez pas les commentaires négatifs et les “haineux”. Si vous désirez profondément faire quelque chose, n’écoutez que vous-mêmes, faites-le.»