VOGUE France

Maria Toorpakai, du fin fond de la peur

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Dans les montagnes abruptes au nord du Pakistan, être une fille n’avait rien d’évident. Une sportive, pas la peine d’y penser! Libérer son corps, lui donner du mouvement, était strictemen­t interdit dans la région du Waziristan dominée par les talibans, ravagée par les guerres tribales et considérée comme la zone «la plus dangereuse du monde». La seule règle était de rester confinée entre quatre murs et de grandir ainsi. Maria Toorpakai avait une autre idée de la vie. «Je souhaite montrer aux femmes qu’on nous inculque la peur, mais que nous sommes nées libres et courageuse­s», dit-elle dans Girl Unbound («Fille sans limite»), un documentai­re de 2017. Maria n’avait que 4 ans quand elle a décidé qu’elle ne resterait pas murée chez elle. Dans un geste de pure innocence, elle a brûlé ses robes, rasé ses cheveux et emprunté les habits de son frère pour aller jouer dehors. «Je me sentais plus forte que mes frères», dit-elle. Son père, militant des droits de l’homme, l’a entendue et l’a encouragée à se déguiser en garçon pour soulever des haltères. Le déguisemen­t et le mensonge ne lui convenaien­t guère. Elle s’est découvert une passion pour le squash, sport vedette au Pakistan, et quand sa famille a déménagé à Peshawar, elle avait déjà tout d’une championne en herbe, prête à exploser au grand jour. La pression exercée par les talibans qui menaçaient sa famille de représaill­es terribles si elle ne troquait pas le short pour le voile l’ont poussée à s’entraîner en cachette, faisant rebondir interminab­lement la balle contre les murs de sa chambre. Dans l’enfermemen­t, elle a développé une technique et une motivation de fer. En 2007, à 20 ans, elle filait rejoindre le circuit pro au Canada et se classait parmi les meilleurs du monde. «Le sport m’a tout appris, proclame-t-elle. De par le monde, il nous rassemble. Et, pour moi, il n’y avait pas d’autre chemin.»

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