VOGUE France

Yusra Mardini, nager vers la liberté

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Comme toutes les nageuses du monde, son univers s’est longtemps limité aux lignes d’un bassin. Poussée par son champion de père, Yusra Mardini enchaînait les longueurs sans compter et ne rêvait sans doute à rien d’autre que de libérer l’énergie qui habitait son corps d’adolescent­e. Elle était douée pourtant, taillée pour la compétitio­n, émule de Michael Phelps, mais la piscine qu’elle fréquentai­t avait une particular­ité: elle se situait à Damas, au coeur d’un pays plongé dans une guerre dont une jeune fille ne pouvait imaginer la fin. À l’approche de ses 18 ans, elle s’est décidée à fuir, en compagnie de sa soeur, comme beaucoup d’autres avant elle. Le même parcours. Connu du monde entier. Traverser la frontière du Liban, filer de Beyrouth jusqu’en Turquie et trouver une embarcatio­n de fortune pour atteindre les côtes grecques et l’île de Lesbos. Le petit Zodiac sur lequel elle a embarqué n’a pas tenu la mer pendant longtemps. Yusra Mardini a été obligée de se jeter à l’eau et de nager comme une damnée pour maintenir le bateau à flot. Ils étaient une vingtaine à s’entasser sur le minuscule canot. Avec sa soeur, elle était quasiment la seule à savoir nager et elle a accompli la performanc­e de sa vie alors que les vents se déchaînaie­nt. «Je me disais que ça serait une honte de me noyer en mer alors que j’avais passé ma vie à nager», a-t-elle dit plus tard, avouant nourrir depuis une aversion totale pour le monde marin. Installée en Allemagne, elle a retrouvé l’eau des bassins et réussi à se qualifier pour les jeux Olympiques de Rio en 2016 où elle n’avait pas de drapeau mais portait crânement les couleurs d’un nouveau, celui des réfugiés.

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