VOGUE France

Les confidence­s : Danièle Thompson,

- (ME)

réalisatri­ce et scénariste, fille de Gérard Oury, ténor de la comédie made in France, signe un touchant livre hommage à son père qui aurait fêté son centenaire cette année. Un geyser de souvenirs. Votre père disait que réaliser un film, c’était comme réaliser un rêve. Avez-vous réalisé un rêve en écrivant des films avec lui ? Pas vraiment : quand j’étais enfant, il était comédien. Quant à moi, je pensais devenir avocate. J’ai fait mon droit, puis je suis partie vivre à New York. Et La Grande Vadrouille est arrivée pour changer ma vie. Plus qu’un rêve, écrire ce premier film a déclenché une vie de travail jamais interrompu­e. D’après Jean-Paul Belmondo, entre votre père et vous, tout semblait simple… Oui, nous avions une relation extrêmemen­t joyeuse et simple. Exceptionn­elle, je dirais. Je n’ai aucun souvenir de fâcherie ou de complicati­on. Au contraire, c’était passionnan­t de confronter nos regards, nos idées, nos histoires. Et j’ai appris une chose essentiell­e à ses côtés : le scénariste reste homme de l’ombre, toujours au service du metteur en scène. Quel film écrit avec lui reste votre plus puissant souvenir ? Les Aventures de Rabbi Jacob : notre premier en tête-à-tête. Ce fut une expérience marquante pour moi, une vraie aventure. Il y avait un trac qui accompagna­it chaque réplique et cette question récurrente : est-ce qu’on a le droit de dire ça ? Plusieurs génération­s de spectateur­s ont vu Les Aventures de Rabbi Jacob, Le Corniaud, La Grande Vadrouille. C’est quoi, le secret de la longévité du cinéma de Gérard Oury ? Le talent comique évidemment, un sens du récit d’aventures, avec du danger, du suspense, une base historique. Et surtout un immense souci esthétique. C’était un homme de goût, élevé par une mère qui frayait avec le Paris artistique des Années folles. Tout ça fait que quand on revoit ses films à la télévision aujourd’hui, ils n’ont pas vieilli. Cette longévité est miraculeus­e et rare. Et n’a pas empêché qu’il s’en prenne plein la gueule par la critique. Seconde Guerre mondiale, conflit israélo-palestinie­n, Rainbow Warrior : les films de votre père ont su rire des épisodes cruciaux de l’histoire mondiale. La base historique dont vous parlez. Ont-ils permis de casser certains préjugés ? Oui, et c’est sans doute une goutte d’eau dans un océan mais elle brille, cette goutte d’eau. Ses films ont une vertu apaisante. Ils disent en substance: connais ton voisin. Parlez-nous des autres femmes de la vie de votre père. Mon père était un homme entouré de femmes : il a été élevé par sa mère et sa grand-mère, il m’a eue moi, son premier agent était une femme… Il les adorait et les respectait. Malgré tout, je ne peux m’empêcher de penser qu’il aurait été bousculé par ce qui se passe en ce moment. Il était ce qu’on appelait alors (c’était un compliment) un «homme à femmes», un séducteur aimant courtiser et conquérir. Un chasseur en quelque sorte, et même si le terme est contesté. C’était un homme du siècle dernier. Le rire, une forme de communion, une esthétique léchée: c’est ça, l’esprit français dans lequel le cinéma de Gérard Oury s’inscrit ? Une joie de vivre teintée d’un esprit râleur. Je crois que ça, c’est très français. Mon père, l’as des as, avec Jean-Pierre Lavoignat, éditions de La Martinière.

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