NOUVELLE VAGUE
Artistes en éclosion ou déjà confirmés, ils font entrer Paris dans une autre modernité. Auréolés de l’éclat de monuments en devenir.
Arnaud Valois En militant timide puis têtu d’Act Up, fragile et fort à la fois, il fut la révélation cannoise 2017 du film 120 battements par minute de Robin Campillo, sacré Grand Prix sur la Croisette. Un soleil qui suit l’éclipse pour ce Lyonnais de 32 ans : car, après avoir tourné pour Nicole Garcia (Selon Charlie, 2006), Josiane Balasko (Cliente, 2008) ou André Téchiné (La Fille du RER, 2009), l’acteur avait tout simplement disparu des plateaux, peu satisfait des rôles qu’on lui proposait. Il se reconvertit alors en sophrologue et masseur après un voyage en Thaïlande. Le nouveau virage professionnel lui réussit assez, mais le voici soudainement appelé pour le casting du film de Campillo. Le cinéaste a repéré son visage sur Facebook, décrétant qu’il aurait un visage comme dans les années 90 retracées par l’Histoire. Valois pense tourner les talons une heure avant l’audition, se ravise et tant mieux puisque le rôle le fait remarquer à Cannes et à l’étranger – son aisance en anglais aide. Arnaud Valois assume tranquillement son statut d’acteur queer, mais pas seulement : il a depuis joué dans la comédie Mon Bébé (2019) de Lisa Azuelos, le film fantastique américain Paradise Hills (2019) avec Emma Roberts et rêve en interview d’incarner les X-Men et les méchants chez James Bond. Une carrière diversifiée, ici et à l’international, c’est tout ce que l’on souhaite à cette gueule d’ange qui cite comme grande inspiration un autre acteur transformiste, adepte du changement physique : Christian Bale. (LS) Le Vilain Petit Canard, lu et interprété par Arnaud Valois, sur une musique d’Étienne Daho. Sortie le 7 novembre (Gallimard Jeunesse).
NoémieMerlant
méritait amplement un Prix d’interprétation au dernier Festival de Cannes pour Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma : en peintre prérévolutionnaire cherchant à fixer sur toile un modèle insaisissable (Adèle Haenel), elle a toute la maturité requise de l’artiste domptant son modèle aimé – du bout du pinceau et des lèvres. À 30 ans, le rôle consacre une carrière déjà bien fournie (une vingtaine de longsmétrages) où ressortent ses grands yeux. Des seconds rôles, puis une poussée au premier plan, surtout à partir de Le Ciel attendra (2016) de Marie-Castille Mention-Schaar où elle joue une lycéenne radicalisée. La voilà ensuite en petite soeur voyant surgir son ex-taulard de frère instable dans Les Drapeaux de papier (2018) de Nathan Ambrosioni, puis romancière libertine début de XXe siècle dans Curiosa (2019) de Lou Jeunet. Comme pour le film de Sciamma, ces personnages se débattent, avec courage, avec ce que leur époque définit comme libertés. Noémie Merlant aura, elle, eu toute latitude pour s’épanouir comme actrice, encouragée par son père à s’inscrire au Cours Florent après une brève carrière de mannequin. Celle qui, ironie du titre, est apparue pour la première fois sur les écrans français dans le rôle-titre de L’Orpheline avec en plus un bras en moins (2010) de Jacques Richard, a toutes les cartes en main pour suivre d’autres envies d’artiste: chanteuse (un single, Fate, sorti en 2016) ou cinéaste
(le court-métrage Je suis#unebiche en 2017, un projet de court sur une jeune fille rom). Dans Portrait de la jeune fille en feu, on lui demande, soucieux: «Vous pensez que vous allez y arriver?» Pour Noémie Merlant, il n’y a aucune inquiétude. (LS)
Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma, avec Noémie Merlant, Adèle Haenel. Sortie le 18 septembre.