VOGUE France

Bill King, Vogue, mars 1987.

- Par Nelly Kaprièlian.

ars 1987 : un visage de jeune et jolie bourgeoise (Laetitia Firmin-Didot, top model de bonne famille qui deviendra l’épouse de Paolo Roversi), perverti par un tumulte de taffetas à larges rayures roses et blanches, comme pour réaffirmer ce savoir colporté dans le monde entier depuis Paris. La «couture», c’est l’exubérance, la désinvoltu­re, la fantaisie, l’opulence, la beauté, le rêve. Une poésie, aussi, qui tient au langage, à la jouissance sans pareille de la descriptio­n. Car on ne parle pas de haute couture comme on parle de prêt-à-porter. En ouvrant cette édition de Vogue, on apprend par exemple que Laetitia Firmin-Didot porte «une veste lacée à col drapé et une jupe amphore, en taffetas de soie rayée de Taroni». On découvre aussi que le turban drapé, coupé en couverture, est en fait très haut, tubulaire, et s’achève en forme de queue de homard. Le tout est signé Jean Patou par Christian Lacroix. La beauté de Laetitia est d’une douceur enfantine, son regard d’une pureté et d’une innocence rafraîchis­santes en ces années de fêtes mais aussi de tragédies. Bill King, le photograph­e américain qu’elle fixe dans les yeux – ou dans l’objectif, ce qui revient au même –, mourra quelques mois après cette séance, à 46 ans. Aujourd’hui, des années-lumière plus tard, on décèlerait presque, rétrospect­ivement, un voile de tristesse sur ses beaux yeux bleus. Une décennie d’excès et de nuits blanches s’achève. Christian Lacroix devenant enfin sa propre marque sera le dernier feu d’artifice haute couture de ces temps-là. Beaucoup de choses ont changé depuis. En fait, presque tout. Mais reste, envers et contre tout, la haute couture. Cette promesse d’exubérance et de désinvoltu­re et de légèreté et d’opulence et de beauté. Ce rêve dont on a besoin. Cette fantaisie nécessaire.

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