VOGUE France

«On s’est rencontrés avec Peter

- Paolo Roversi

chez Marie-Claire dans les années 70. Nous étions deux jeunes photograph­es, on a tout de suite sympathisé. Et l’amitié est née comme ça, spontanéme­nt. On se croisait assez régulièrem­ent à la rédaction du magazine ou dans les studios photo. À l’époque, Peter n’était pas le vagabond qu’il est devenu, toujours à courir le monde. Il était beaucoup à Paris. On se voyait, on échangeait nos idées, nos impression­s, on parlait photo, des maîtres de l’époque, Newton, Bourdin, Avedon, Penn, de notre travail à nous, on buvait un pastis. Ça, on a continué de le faire… Il se moquait toujours de moi, il disait que je faisais des photos floues. Toute sa vie il m’a dit, “Paolo, tu ne sais vraiment pas faire une photo nette, il faut que je t’achète un appareil autofocus”. Ce qui me touche le plus dans l’oeuvre de Peter, c’est qu’il est resté sur la même ligne. Fidèle à lui-même. Il a conservé son intégrité au-delà de toutes les tendances, de tous les mouvements, de toutes les critiques. Il a survolé ce monde de la mode avec son style et sa personnali­té. Je trouve ça très fort. Quand je regardais ses séries, j’étais souvent impression­né, parfois jaloux. Je me disais, “merde, celle-là est tellement belle, pourquoi je ne l’ai pas faite moi”. Ce n’est pas que ça m’énervait, ça me stimulait. En 2008, Christian Lacroix, qui était directeur artistique des Rencontres d’Arles, nous a réunis pour une exposition. Chacun de nous dans une église. Puis il y a eu une soirée dans le théâtre antique où nos photos respective­s étaient mélangées et projetées. La soirée était baptisée “Mano a mano”, littéralem­ent “main dans la main”. Nous étions très proches. J’aime à dire que Peter était comme un frère, même si je pense que beaucoup de gens peuvent prétendre la même chose. Il était tellement généreux, affectueux. Il allait vers les gens, les serrait dans ses bras. Il avait un contact humain très fort. D’où l’unanimité qu’il faisait. Il me confiait parfois à propos de cette unanimité que sa seule préoccupat­ion, c’était qu’après sa mort on dise du mal de lui. Je crois qu’il peut dormir tranquille.» —

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