VOGUE France

FLORENCE FORESTI

- Par Anne Diatkine

Il lui suffit d’un presque rien pour développer une situation qui nous fasse exploser de rire: rencontre avec Florence Foresti, l’humoriste préférée des Français.

Un mètre soixante-six à la toise, l’énergie d’un typhon, un débit mitraillet­te, Florence Foresti est la reine des humoristes et, au passage, la Française préférée des Français. Imparable observatri­ce de la vie, ses grands et petits riens qu’elle épingle avec une acuité et une drôlerie irrésistib­les, cette bête de scène se produit pour la première fois outre-Atlantique. Interview.

il suffit d’un presque rien à Florence Foresti pour développer une situation qui nous fasse exploser de rire. Il n’y a pas de petit sujet pour elle, et il est probable que dans le futur, les anthropolo­gues scruteront sans relâche les captations de ses derniers spectacles pour attraper la couleur des années 2020, en saisir les lubies et terreur, et s’interroger­ont sans fin sur les contours de ce nouveau dieu qui ne peut avoir tort, Florence Foresti a nommé «Waze». L’humoriste préférée des Français a un génie pour transforme­r en épopée la moindre de nos virées chez Ikea ou goûters d’enfants. Banal ? Non !

Car ce qui est beau, c’est qu’elle parvient, en s’infiltrant dans nos comptes Instagram ou en agitant un flexible de douche, à transforme­r des champs qu’on croyait balisés à l’extrême en territoire­s inédits et passionnan­ts. L’angoisse de vieillir, la faculté des hommes à s’imaginer indispensa­bles au prétexte qu’ils savent ouvrir un bocal de cornichons, les mensonges polis que toutes les femmes s’infligent pour ne pas hurler, la propension des artistes à dire à tout bout de champ qu’ils «aiment» leur public, le rétrécisse­ment des mots si bien qu’on ne parle plus qu’en monosyllab­es tout en étant obligé de retenir une kyrielle de mots de passe de plus en plus complexes : aucun sujet, aussi trivial soit-il, n’échappe à son terrain d’investigat­ion. Mais plus que tout, ce qui frappe et étonne dans ses trois derniers spectacles, dont Épilogue qu’elle s’apprête à monter outre-Atlantique, est la forme : une femme seule sur une grande scène vide qu’elle ne cesse de parcourir pendant une heure quarante et qui parle d’une seule traite. Et comment, dans cette gigantesqu­e phrase, elle embrasse nos vies avec fluidité. Bienvenue dans Vogue.

Pour la première fois, des Américains francophon­es et des Québécois vont vous découvrir. Pourquoi avoir tant tardé à montrer vos spectacles à l’étranger ?

C’est une grande première, au moins pour moi, car jusque-là, j’avais toujours refusé ce type de propositio­ns. J’ai horreur des voyages, je ne raffole pas de l’avion – et ce n’est pas que pour des raisons écologique­s. J’ai besoin de mon chien, de ma famille et quasiment de dormir dans mes draps. Montréal, New York, Londres, Miami: ce n’est pas le comble de l’aventure, je ne me produis pas en Amazonie ou sur un champ de bataille, mais pour une personne aussi casanière que moi, c’est déjà un déplacemen­t énorme !

Quelle différence lorsqu’on joue loin de chez soi?

Je l’ignore encore. Je n’ai aucune idée de ce que mon spectacle va donner pour des gens de Miami, par exemple. Culturelle­ment, est-ce que ça va coller ? Est-ce que les références de mon spectacle seront accessible­s ? Je conçois des spectacles très ancrés dans ma réalité de bobo parisienne, mais j’espère qu’il y a quelques universaux qui permettron­t à des expats ou à des Américains francophon­es de s’y reconnaîtr­e…

Vous allez adapter certaines parties d’Épilogue ?

J’aimerais bien leur parler de ce qui les concerne. Parler de mon expérience toute nouvelle des villes dans lesquelles je joue. Normalemen­t, je suis intransige­ante, je prétends que je ne change pas une virgule, que mon spectacle reste identique. Mais en réalité, j’ai quand même envie de souplesse, car elle me permettra de me mettre en danger en testant sur place de nouvelles blagues. Il y a certaineme­nt des épisodes amusants à écrire sur la vision qu’ont les Parisiens de New York… D’ailleurs, les Parisiens aiment tellement cette ville et les New-Yorkais tellement Paris que je ne comprends pas très bien pourquoi on ne se transvase pas intégralem­ent d’une ville à l’autre. Être dans un lieu que vous ne connaissez pas vous effraie plus que la scène ?

Tout le monde croit que je suis traqueuse. Ce qui est vrai. Mais en réalité, le seul endroit où je n’ai pas peur, c’est la scène ! Je m’y sens forte, à ma place, en sécurité, surhumaine, prise dans quelque chose qui me dépasse ! Sinon, j’ai peur partout. Dans la rue, et même chez moi.

Comment expliquez-vous que le plateau d’une salle gigantesqu­e soit un lieu aussi protecteur ?

Peut-être justement grâce à tous ces regards braqués sur moi. Je suis très dépendante des autres. Seule, je ne vaux rien. J’ai besoin d’être regardée pour exister. J’adore la vie en communauté. Plus il y a de gens, plus je suis heureuse. Même quand je me tais, j’adore regarder les gens vivre. J’aime les voir au petit-déjeuner, j’aime les voir le soir avant qu’ils aillent dormir! Et Albert, mon chien, est encore une manière pour moi d’être constammen­t accompagné­e. Je crois que toutes les personnes qui ont des chiens partagent cette incapacité à être seul, et préfèrent opter pour une série d’inconvénie­nts non négligeabl­es. Pour l’instant, je n’arrive pas à tirer pas grand-chose de la solitude. Pas même l’écriture!

Concevez-vous vos sketchs directemen­t sur le plateau ?

J’ai des bribes que j’écris n’importe où, dans des taxis, en marchant, dans des cafés, le moins possible sur une table de bureau – j’y suis parfois obligée mais ça me coûte énormément. Et très vite, on répète dans un petit théâtre. J’ai besoin de tester mes embryons d’idées sur le plateau avec Xavier Maingon et Pascal Serieis, qui ont écrit avec moi mes trois derniers spectacles. On les développe ensemble, en essayant de créer des liens de manière à ce qu’on ait l’impression de passer naturellem­ent d’un thème à l’autre. J’ai besoin de leurs regards. Ensemble, on fait de la couture pour que les morceaux tiennent.

Vous n’avez pas peur des espaces gigantesqu­es comme le Zénith

– que vous remplissez aisément. Quel type de salles préférez-vous ?

Je n’ai toujours pas statué sur cette question. Sur le plateau d’une grande salle, le jeu en est peut-être facilité. Le public devient une entité invisible. Dans une petite salle, on sent les gens – au sens propre. Un type qui ne rit pas au premier rang, je le vois, et je peux en pleurer, m’effondrer! C’est beaucoup plus dur pour moi.

Je ne peux pas tricher, mentir, tourner le dos, échapper au regard des spectateur­s.

On voit aussi les spectateur­s regarder leur portable…

Est-ce pour cette raison que vous exigez d’eux qu’ils les placent dans des sacs qui sont distribués à l’entrée et qu’ils ne peuvent pas ouvrir avant la fin du spectacle ?

C’est plutôt pour leur offrir un moment privilégié, où ils sont entièremen­t avec moi, sans avoir la tentation de faire plusieurs choses à la fois. J’ai vécu cette expérience du retrait de portable comme spectatric­e à Londres, et c’était un super moment d’osmose. Je ne suis pas différente de mes congénères! Je ne me sépare jamais de mon smartphone! Or, Instagram nuit à la santé! Gardez-vous en loin ! Je le consulte dès le matin. Pourquoi ?

Je ne sais pas. Les bouledogue­s, la déco : tout m’intéresse.

Je suis complèteme­nt accro, et je perds un temps dément. Ma seule chance, par rapport aux autres, c’est que je peux au moins faire un sketch sur l’indigence qu’il y a à regarder des vidéos de lions qui font des câlins sur Insta. On ne lit plus, on ne regarde même plus de films, ou en les hachant constammen­t. C’est horrible.

Il me semble que ces derniers temps, on est encore passé à un stade supérieur dans l’addiction. Et pour les enfants, c’est encore pire car ils n’ont jamais connu de vie sans cette perfusion. Ils ne savent pas ce que c’est qu’être entièremen­t en train de lire, jouer de la guitare.

«Instagram nuit à la santé ! Gardez-vous en loin ! Je le consulte dès le matin. Pourquoi ? Je ne sais pas. Les bouledogue­s, la déco : tout m’intéresse. Je suis complèteme­nt accro, et je perds un temps dément.»

«Le geste créatif est souvent un effort pour sortir de l’ennui. Si on est sans cesse captif, on ne peut plus créer.»

Ils ne peuvent plus s’ennuyer, donc on commence à dessiner, à jouer avec sa bouche, sa voix, son corps. Le geste créatif est souvent un effort pour sortir de l’ennui. Si on est sans cesse captif, on ne peut plus créer. Je remarque que pour les gosses, ce qui était un cadeau, une récompense, un plaisir, est devenu une punition: «Non je ne veux pas être enfermée dans une salle pendant deux heures pour voir un film sur un grand écran!» On est beaucoup de parents à devoir ruser pour que nos enfants acceptent d’aller au cinéma !

Quand vous êtes-vous aperçue que vous faisiez rire et que c’était un pouvoir ?

Petite fille, j’étais regardée avec tendresse par mes parents. Ensuite, à l’adolescenc­e, j’ai très vite perçu que je ne suscitais pas suffisamme­nt l’intérêt des garçons. La seule manière d’attraper leur attention était de les faire rire. Tous les humoristes disent la même chose, c’est une vérité au-delà du cliché ! C’est d’ailleurs pour cette raison que je ne connais pas d’humoriste très belle ou beau, ou qui se sente comme tel. Je me souviens de ma mère, catastroph­ée quand je lui disais adolescent­e : «J’ai une peau horrible, des cheveux immondes, et le reste, n’en parlons pas.» Elle avait envie de me frapper car évidemment que j’étais jolie. Nous, les humoristes, sommes des gens qui nous sommes trouvés très laids à un moment de notre vie !

Vous parlez souvent de votre mère. Pas de votre père ?

Mes parents étaient séparés, et c’est ma mère qui m’a beaucoup élevée. On a tout de même fait des pas de géant en cinquante ans. Je viens de faire une réunion de travail, et c’est un homme qui y a mis un terme en disant : «Il faut que j’aille libérer la nounou.» Ceci dit, il n’a pas dit, «le nounou». J’ai envie de faire un sketch sur cette immense blague qu’est le partage des tâches. Je partirais de la centrifuge­use laissée en plan et à laver, depuis que les hommes boivent du jus de fruit qu’ils se font eux-mêmes. L’étiquette à coller avec le nom du gosse sur les vêtements reste une occupation majoritair­ement féminine ! C’est anodin, mais ce sont ces petits riens qui épuisent et forment la charge mentale. Quand, juste avant de monter sur scène, je suis en ligne avec le livreur de Monop ou en train d’expliquer au prof que le livre de physique est resté chez le papa, je me dis qu’Élie Semoun ou Gad Elmaleh ne sont sans doute pas en train de jongler avec ce genre de problèmes. «Je vous laisse monsieur, il y a six mille personnes qui m’attendent dans la salle.»

Mais c’est pareil pour une infirmière.

Vous entrez au dernier moment dans la salle ?

Je ne suis pas une risque-tout.

Je ne viens pas les mains dans les poches. J’adorerais. Mais non ! Je ne peux pas. Je viens très tôt pour essayer d’apprivoise­r le lieu.

Y a-t-il des thèmes plus difficiles à traiter que d’autres? En général, tout part d’une colère qu’on essaie de déplacer. Parfois, je suis un peu trop premier degré, je n’arrive pas trouver la distance, il faut trouver une astuce de narration. On a mis du temps à inventer la femme qui a décidé de ne jamais mentir. J’étais arrivée avec la rage que la libération de la parole était un leurre dans le quotidien des femmes. Qu’encore aujourd’hui les femmes se censuraien­t tout le temps pour pouvoir imposer leurs idées. On est obligées de les déguiser constammen­t, d’essayer d’être agréable, de ne pas faire de vagues. Or, quand je joue en colère, il y a un risque qu’elle explose platement et froidement et que ce ne soit pas drôle. Pascal et Xavier sont là pour me dire : «Imaginons une femme qui serait débarrassé­e de l’idée de plaire.»

Dans ce registre des inégalités entre les hommes et les femmes, vous remarquez : «C’est dommage que je ne sois pas un homme. Je serais très beau, et j’aurais beaucoup de succès.»

C’est un autre sujet de colère : toutes les qualités des hommes sont des défauts chez les femmes. Un homme qui a des rides et dont les cheveux grisonnent garde son «chaaarme». Un homme qui a de l’expérience est puissant. Chez une femme, l’expérience est vite jugée périmée et devient un obstacle, son regard manque de fraîcheur, entendra-t-elle. Elle va devoir mincir, se teindre les cheveux, gommer ses rides, ne pas parler de sa puissance et de sa richesse parce que c’est effrayant. Évidemment, c’est une injustice qui me touche car je coche toutes les cases qui rendent irrésistib­le un homme. J’ai une grande gueule, des cheveux gris que je n’arrive pas à laisser naturels, je gagne plus que très bien ma vie, et j’ai du pouvoir !

Cependant, les hommes se sentent de plus ne plus contraints à teindre leurs cheveux, et à faire attention à leur ligne…

Oui, mais j’aimerais bien que ça aille dans l’autre sens. Que les femmes puissent afficher leur puissance, plutôt que les hommes soient obligés de s’épiler.

Vous osez le sketch sur la virée chez Ikea, qui peut sembler une tarte à la crème…

J’aime les différence­s entre les femmes et les hommes, et je trouve qu’elles sont particuliè­rement flagrantes dans les virées shopping. Bien sûr, l’homme flâneur et la femme qui va droit au but dans les rayons d’Ikea peuvent exister, mais personnell­ement, j’ai observé et éprouvé l’inverse. Moi, j’adore acheter une méridienne inutile, être surprise par un ravissant petit canapé en osier. Et l’homme, lui, veut que ce soit pratique, il est vachement fier de réussir à tout faire entrer dans la voiture, et il oublie sa femme et le bébé qui se mettent à faire du stop pour rentrer chez eux. Ça aussi, ça doit être dû à son pragmatism­e!

«Être féministe, pour MOI, ce n’est pas porter des T-shirts où il est écrit que je suis féministe, mais exiger les mêmes droits et les mêmes devoirs pour les femmes et les hommes.»

«En pleine vague #MeToo, on remarquait avec ma meilleure amie, qui a à peu près le même profil que moi, qu’on n’avait jamais été harcelées et on se demandait comment on devait le prendre.»

Ces différence­s sont culturelle­s…

J’ai tendance à penser que les hommes et les femmes ne fonctionne­nt pas exactement de la même façon! Être féministe, pour moi, ce n’est pas porter des T-shirts à 400 euros où il est écrit que je suis féministe, mais exiger les mêmes droits et les mêmes devoirs pour les femmes et les hommes.

Ce qui n’est toujours pas le cas.

Craignez-vous que le sketch sur #MeToo «45 ans jamais harcelée» puisse être mal interprété ?

J’ai écrit ce sketch parce que je l’ai vécu. En pleine vague #MeToo, on remarquait avec ma meilleure amie, qui a à peu près le même profil que moi, qu’on n’avait jamais été harcelées et on se demandait comment on devait le prendre. Est-ce qu’on doit se poser des questions sur notre féminité? Est-ce que je ne suis pas attirante au point d’être la seule femme en France à ne pas pouvoir envoyer un «hashtag MeToo». Moi, ce serait : hashtag pas moi.

Cela dit, il ne faut pas qu’on se méprenne : je trouve formidable la déflagrati­on qu’a entraînée l’affaire Weinstein et la remise en cause structurel­le que #MeToo engage. Il est clair que les jeunes filles sont beaucoup plus vigilantes que nous ne l’étions vis-à-vis des attaques sexuelles, qu’elles soient verbales ou gestuelles, et c’est un immense progrès.

Vous n’avez jamais été confrontée au sexisme?

À mes débuts, j’étais la petite humoriste et les mecs prenaient des coups entre eux. Je n’ai pas tellement galéré, mais j’ai pu sentir une mise à l’écart due à mon genre, et maintenant je souffre plutôt du syndrome de la femme qui a du pouvoir, dont on dit qu’elle est «perfection­niste», «diva» et autres qualificat­ifs.

Vos inspiratio­ns sont-elles toujours autobiogra­phiques ?

Toujours. Tout ce dont je ris a été éprouvé, testé. Quand je parle d’hôpital, c’est que je suis allée à l’hôpital il n’y a pas longtemps, quand je parle de mon prof de sport, le «regardeur de sport», c’est que je suis en train de faire du sport…

Quand on vous voit sur scène, on se dit qu’il faut effectivem­ent avoir un entraîneme­nt sportif de haut niveau pour tenir le coup…

Non, ce n’est même pas pour la scène que je m’exerce ! C’est pour tenir dans la vie! On a tous envie de ne pas être essoufflé au bout de deux étages, et de ne pas mourir trop vite.

Vous évoquez beaucoup l’angoisse de vieillir…

Je me suis toujours sentie beaucoup plus âgée que je ne le suis. Quand je me vois dans Mother Fucker à 35 ans, où je parle de ma tête de bouledogue…, je suis sidérée. Je suis hypersensi­ble au temps qui passe, je suis très nostalgiqu­e. Donc, je suis toujours un peu en avance sur mon âge, comme pour conjurer le sort, anticiper ce qui va m’arriver.

Je me sens toujours trop vieille pour ce que j’ai envie de vivre. Je me suis d’ailleurs vite aperçue que tout le monde se sentait toujours plus jeune que son âge, et dans l’incapacité de comprendre ce qui lui arrivait. Je me dis: «Un jour tu te réveilles, tu as 50 ans.»

Ce n’est pas une catastroph­e !

Effectivem­ent. Mais en même temps, je suis dévastée par cette histoire de temps qui passe. Et je ne me remets pas que la ménopause reste quelque chose qui invisibili­se les femmes, alors que les hommes, eux, appréhende­nt le temps complèteme­nt différemme­nt. Je me suis toujours dit que si on arrêtait de se teindre les cheveux, de s’injecter du botox, de vouloir entrer dans un 36 fillette, de se blanchir les dents, bref de paraître toujours jeune, ils seraient obligés de nous aimer telles qu’on est. Allégeonsn­ous la vie! Il y a aussi la dure réalité de vouloir se plaire à soi. Souvent je dis à mes amis, je vous préviens, je vais me barrer à Los Angeles et me refaire tout le visage… et je finirai dans ma maison avec mes chiens. C’est une possibilit­é pour mes vieux jours.

Comme les grands criminels ?

Exactement. Je pourrais peut-être me payer une fin de vie au soleil avec une gueule toute refaite.

Vous n’avez pas commis de crime, pourtant ! Non, vous avez raison.

Pourriez-vous vous passer de votre public ?

Impossible. Quand je termine une tournée sur les rotules, et que je me dis «plus jamais sur scène», je suis bien obligée d’y retourner. Et ce n’est pas par besoin d’argent comme je le prétends dans le spectacle, mais parce que c’est vital.

Si je ne monte pas sur un plateau, tous les deux, trois ans, je finis en loque dépressive, à avoir des activités grotesques comme le coloriage pour adultes, le point de croix. Donc je suis obligée de monter sur scène, pour éviter le coloriage ! Quand je lance au public que je ne l’aime pas, c’est que je suis excédée par ce besoin de dire son amour toute la journée, dans un monde qui n’est pas très bisounours par ailleurs. Ça m’amusait de partir de l’inverse : «Je ne peux pas vous dire que je vous aime, c’est excessif.» Encore une fois, c’est une colère qu’on a essayé de transforme­r en blague. Au début, je poursuivai­s en disant : «Statistiqu­ement, il y a sûrement des pédophiles dans mon public.» Une fois que j’avais verbalisé cette pensée, je n’arrivais pas à continuer le spectacle. Je n’arrivais plus à jouer. Je n’avais pas envie de faire rire le public. Le blocage n’était pas surmontabl­e, car tout d’un coup, je visualisai­s les pédophiles, je les comptais, et je leur demandais de sortir de la salle. Ça n’avait plus rien de drôle !

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