VOGUE France

Numéro de charme

- Par Anne Judith. Photograph­e Lachlan Bailey. Réalisatio­n Emmanuelle Alt.

L’ actrice oscarisée, qui sera prochainem­ent à l’affiche du très attendu film musical de Leos Carax, «Annette», est la nouvelle ambassadri­ce du N°5 de Chanel. Pour Vogue, évoque Marion son attachemen­t Cotillard à ce mythe intimement lié au cinéma et aux actrices, mais aussi son engagement écologique et les rôles de sa vie.

Veste et jupe en tweed gansés de plumes et satin blanc. Ceinture chaîne entrelacée de cuir s’ornant d’un noeud et d’un camélia en cuir, bracelets en chaîne entrelacée de cuir et perles, bracelets en perles et métal, et bracelets en métal. Souliers en satin et gros-grain,

Chanel Collection Métiers d’Art 2019/20 Paris – 31 rue Cambon. Chapeau en feutre et ruban de gros-grain, Maison Michel.

Regard bleu tranchant, paroles

franches, peau lumineuse et dénuée d’artifice, jean noir et pull camionneur basique d’adolescent­e. Bizarremen­t, la simplicité de Marion Cotillard est un brin intimidant­e. L’actrice française et star internatio­nale oscarisée pour son incarnatio­n de Piaf dans La Môme en 2008 – c’était hier – revient d’une mission en Antarctiqu­e pour Greenpeace, elle termine tout juste Annette, la comédie musicale tant attendue de Leos Carax, et elle est la nouvelle égérie du parfum mythique N° 5 de Chanel, qui n’est pas le moindre de ses rôles. Autant de palettes très différente­s pour une comédienne qui n’a cessé de nous sidérer par sa polyvalenc­e. Marion Cotillard n’est jamais là où on l’attend, mais partout où elle est, elle excelle. Arnaud Desplechin, les frères Dardenne, Xavier Dolan, James Gray, Jacques Audiard, Guillaume Canet, Christophe­r Nolan, ou encore Nicole Garcia, Julie Lopez-Curval: il y a quelque chose de vertigineu­x dans cette filmograph­ie qui forme une oeuvre totale sans pour autant découvrir complèteme­nt l’actrice qui la dessine. Égérie Chanel, le plus imprévu des rôles? Rencontre un après-midi de février, dans son salon-bureau, au milieu de trottinett­es et autres skateboard­s.

Que représente le N°5 pour vous ?

Le N°5 à la fois un mythe et une oeuvre d’art qui traverse les époques par sa singularit­é extrême. C’est par sa modernité qu’il est devenu un grand classique. Il a une grande histoire qui a débuté il y a bientôt un siècle, quand en 1921 Mademoisel­le Chanel a demandé au parfumeur Ernest Beaux de lui créer un alter ego olfactif. Elle voulait un parfum abstrait, unique, ce qui n’avait jamais été imaginé. Il a été incarné par des personnali­tés exceptionn­elles et je suis très heureuse d’avoir la chance de partager un moment de son histoire.

Comment l’avez-vous rencontré ?

J’ai porté Coco, cela a été ma rencontre avec Chanel.

Et ma première histoire avec Chanel est un film, Les Jolies Choses de Gilles Paquet-Brenner, pour lequel la maison Chanel avait prêté des bijoux à mon personnage. Ils m’ont à l’époque invitée à des défilés qui ont beaucoup marqué la novice de mode que j’étais. J’étais fascinée par l’aura de Chanel et la magie qui l’entoure.

Et la maison m’a aussi accompagné­e sur toute l’aventure américaine de La Môme. Être égérie, représente­r un parfum, c’est un rôle?

Oui, c’est un très beau rôle et c’est aussi une grande rencontre avec toutes les merveilleu­ses personnes qui font vivre cette maison. C’est la première fois que je partage l’histoire d’un parfum. Le N°5 raconte et symbolise l’histoire de la maison et a des liens forts avec le cinéma. Et cette aventure qui commence est déjà si forte et si belle.

Le cinéma, mettre en mouvement des histoires, c’est votre vie.

Vous venez de terminer Annette, la comédie musicale de Leos Carax. Pourriez-vous nous en parler ?

Tourner avec un cinéaste aussi particulie­r, singulier et créatif que lui donne le sentiment d’être partie prenante d’une oeuvre d’art. C’était une aventure unique, j’ai fait des choses sur ce film que je n’avais jamais faites et que je ne referai sûrement jamais.

Il a une vision du monde et une manière de faire du cinéma qui n’appartienn­ent qu’à lui. Et un humour exceptionn­el. Rien n’est un détail pour lui. Il va magnifier le moindre instant, transcende­r des moments triviaux, qui pourraient parfois frôler le ridicule, pour les rendre magnifique­s. Avec lui, on est à chaque instant porté par une intensité et une exigence qui poussent à se dépasser. Travailler avec un tel cinéaste est précieux.

Pourriez-vous donner un exemple du caractère particulie­r de ce tournage ?

Annette est un film entièremen­t chanté. J’y incarne une chanteuse d’opéra. Le caractère unique de cette comédie musicale est que Leos tenait à ce que toutes les chansons soient chantées en direct sur le plateau. Nous n’étions donc pas en play-back sur des morceaux préenregis­trés avant le tournage, comme souvent sur ce type de projet. On se retrouve à chanter dans toutes les situations, y compris des positions physiques qui ne facilitent aucunement le chant. Pour Leos, le live n’est pas un pari, simplement une nécessité. J’avais deux mois de préparatio­n avant le tournage, c’est peu… C’était une autre particular­ité de cette aventure, tous les morceaux ne sont pas lyriques, mais ceux qui le sont demandent une somme de travail colossale. On a traversé des moments de folie et de grâce ; j’ai rarement connu une telle complexité et une telle intensité.

Par l’enregistre­ment en live, Carax cherche-t-il la vérité de l’instant présent ?

Je ne dirais pas de Leos qu’il recherche une vérité, mais sûrement quelque chose d’authentiqu­e dans un univers parfois éloigné de toute forme de réalisme. Il partage son ressenti sur ce qui l’entoure.

Peut-être que si vous aviez eu cinq ans pour vous préparer, cela vous aurait moins amusée ?

Si un immense cinéaste comme lui me disait que j’ai cinq ans pour préparer un rôle de cantatrice, je m’y dévouerais totalement. Leos m’avait proposé ce rôle il y a deux ans, mais j’étais enceinte, et je ne voulais pas retravaill­er immédiatem­ent après l’accoucheme­nt comme je l’avais fait auparavant, car cela avait été source de fatigue et d’une certaine forme de frustratio­n. Car même si mon enfant était à mes côtés en permanence, travailler m’empêchait de passer chaque seconde avec lui.

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