VOGUE France

Divine Alighieri

Ses bijoux, médailles tête-de-lion en tête, font un tabac. Mahtani, la créatrice de la marque Alighieri, s’inspire ad Rosh libitum de de Dante pour imaginer des pièces La Divine Comédie irrésistib­les, précieuses variations à partir des célèbres poèmes. Et

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Par Charlotte Brunel.

Ci-contre, le collier «Evening Shadow» (automne-hiver 2020). ui aurait imaginé que La Divine Comédie de Dante ferait un carton sur matchesfas­hion.com ou encore au corner bijoux des Galeries Lafayette ChampsÉlys­ées ? Qu’elle vaudrait à Rosh Mahtani de recevoir en février dernier le Queen Elizabeth II Award for British Design ou encore d’être sélectionn­ée pour le BFC/ Vogue Fashion Fund Designer 2020 ? Mais aussi de multiplier la croissance de sa marque de 600 % en 2019, pour atteindre un chiffre d’affaires de plus de 3,6 millions d’euros en seulement six ans d’existence… La créatrice autodidact­e d’Alighieri n’en revient toujours pas : «Je suis embarquée dans un voyage extraordin­aire», explique la Londonienn­e de 31 ans pour résumer la situation. Un peu comme dans le poème de Dante qui inspire ses magnifique­s bijoux faits main, mais en moins périlleux quand même, puisque les monstres de l’Enfer sont ici neutralisé­s dans l’or 24 carats.

Née dans la capitale britanniqu­e, Rosh Mahtani a grandi en Zambie où ses parents, indiens d’origine, tiennent un commerce d’import de chaussures. Parce qu’elle s’ennuie, la petite fille collection­ne des pierres trouvées par terre qui lui servent d’amulettes. «J’étais déjà très superstiti­euse à l’époque, se souvient-elle. Mais je n’imaginais pas du tout devenir créatrice de bijoux, je rêvais d’être écrivain.» De retour à Londres, Rosh suit des études de littératur­e italienne et française à l’université d’Oxford et obtient son diplôme en 2012. «À ce moment-là j’étais complèteme­nt perdue, avoue-t-elle, je savais que je voulais raconter des histoires, mais je n’avais pas encore trouvé le bon médium pour m’exprimer.» Le déclic survient lors d’une journée de formation à la technique de la cire perdue chez un joaillier. Le soir, après son petit boulot de visual merchandis­er, Rosh se met à sculpter sur la table de la cuisine des petits sujets en cire sur le thème de La Divine Comédie de Dante.

Quand elle apporte une bague en forme de crustacé à un couple de fondeurs de Hatton Garden, quartier historique des bijoutiers londoniens, ces derniers sont dubitatifs, d’autant que pour réduire les coûts de polissage, la créatrice décide de conserver l’aspect brut de ses pièces, ce qui leur donne des textures incroyable­s et un côté ancien. Six ans plus tard, Alighieri est leur plus gros client et l’ambassadri­ce d’une joaillerie artisanale made in London cultivée et abordable (230 € les boucles d’oreilles Beacon en plaqué or et perles de culture). Raisonnée aussi, car non seulement Rosh Mahtani utilise du bronze recyclé, mais ses deux collection­s annuelles sont pensées comme les nouveaux chapitres d’une histoire composée de pièces intemporel­les.

mai/juin 2020

Du pouvoir salvateur des larmes (celle du pêcheur Buonconte da Montefeltr­o qui lui fait gagner le purgatoire) transformé­es en anneaux sur un bracelet au pendentif Jaja en forme de sphère qui guide, tel le poète Virgile, les amis perdus… «La vulnérabil­ité, la peur, le désir d’être aimé, Dante a abordé tous les sujets dans son oeuvre, explique Rosh. Il y a beaucoup à apprendre de cet homme qui, contraint à l’exil, a tenté de trouver le salut dans la littératur­e.» La fondatrice d’Alighieri peut se réjouir de voir une communauté soudée autour de son esthétique qui valorise la fragilité et l’imperfecti­on (et la possibilit­é d’écrire sa propre histoire en associant ses talismans). Le Lion’s Club rassemble ainsi les fans du médaillon lion, best-seller maison, censé apporter force et courage. Une centaine de leurs témoignage­s feront l’objet d’un livre, à paraître pour les fêtes.

Difficile de se projeter dans ce contexte de pandémie du Covid-19? Pas pour Rosh Mahtani, qui s’est engagée à verser 20 % des bénéfices réalisés sur son site de vente à un organisme soutenant les banques alimentair­es de Grande-Bretagne. «J’essaie d’aider les gens du mieux que je peux», justifie-t-elle. Pour 2020, elle s’autorise aussi à rêver d’une boutique, mais pas dans le sens classique du terme. «Je pense plutôt à un espace qui me ressemble, entre la bibliothèq­ue, la galerie d’art, le café, l’atelier de bijoux, à Londres ou pourquoi pas dans un bâtiment ancien en Italie.» Parions que ce serait à Florence, la ville natale de Dante Alighieri. alighieri.co.uk

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La créatrice d’Alighieri, Rosh Mahtani.
 ??  ?? Des médailles de la collection automne-hiver 2019.
Des médailles de la collection automne-hiver 2019.

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