Tokyo à Paris Des céramiques fines, du thé vert torréfié, du poisson cru préparé comme à Tokyo... Ogata, esthète au goût irrésistible, rassemble au coeur Shinichiro d’un hôtel particulier du Marais tout ce que le Japon fait de mieux. Visite guidée.
Par Jade Simon. «c’est une somme de plusieurs choses: l’artisanat, l’hospitalité, la culture, la cuisine, le thé… Difficile à résumer en quelques mots, ce serait plus une émotion. L’émotion que l’on va ressentir en y découvrant l’art du saké, en admirant les ustensiles fins avec lesquels on déjeune et dîne. Sans rien imposer, je cherche à partager les piliers d’un “art d’être” qu’on appelle au Japon le saho», explique Shinichiro Ogata, heureux créateur de ce lieu protéiforme qui vient de pointer le bout de son nez dans la discrète rue Debelleyme à Paris. Face à ses portes titanesques, un passage s’ouvre entre la capitale nerveuse et grouillante vers un Japon rêvé d’une finesse rare. Galvanisé par tant d’épure et de raffinement, on y évolue à travers différents espaces – chacun dédié à un savoir-faire japonais – répartis sur quatre niveaux. Le voyage débute dans un atrium baigné de lumière qui mène à «L’Atelier». Une boutique d’objets délicats (assiettes aux imprimés travaillés, théières en fonte, contenants en bois clair…), chinés ou même imaginés par son fondateur, et quelques beaux livres qui offrent un éclairage précis sur le saho.
mai/juin 2020
Omniprésente, cette approche s’attelle à donner du sens et des méthodes pour accomplir le plus justement les gestes du quotidien. Un peu plus loin, le comptoir à thés fourmille de pépites du genre, dont le hojicha aux senteurs entêtantes ou le gyokuro à la fois vert et très riche. Tous sont torréfiés sur place et servis dans des boîtes traditionnelles qui rappellent celles que l’on trouve à Kyoto. Juste à côté, la boutique de wagashi permet de croquer dans des mini-pâtisseries à la pâte de haricot rouge, typiques du Soleil-Levant. Une fois le rez-de-chaussée quadrillé, il reste deux options: descendre ou monter. En bas, le salon de thé a des airs de sanctuaire sacré avec ses voûtes en pierre. Bercé par le bruissement léger d’une fontaine qui coule au centre de la pièce, on s’y attable, prêt à vivre une cérémonie traditionnelle dans les règles de l’art. Au son d’une experte à la voix douce, les bols fumant s’enchaînent et l’on découvre que bien avant sa démocratisation occidentale, cette boisson médicinale était au centre de tout en Asie, réchauffant, réveillant les papilles, vecteur d’un lien social qui demeure intact aujourd’hui.
Au premier étage, une galerie d’art sublimant l’artisanat devrait bientôt voir le jour, l’entrée est close pour le moment. Enfin, le dernier étage renferme un bar en wengé qui propose
des cocktails à base de plantes et de fruits, inspirés des cinq sens. Mais aussi un restaurant, mené par Watanabe Kazuki, qui fait cohabiter produits du terroir français et recettes nippones. Avec au milieu une cuisine ouverte, les mets se picorent – au comptoir ou dans une salle qui n’a gardé de parisiennes que ses poutres apparentes – des sashimis, des légumes marinés, des omelettes moelleuses, un blanc-manger au matcha à la douceur régressive… L’ambiance est toujours aussi zen. Le sommet de ce havre de paix franchi, sans aucune once de nostalgie, on se dit qu’il n’y manque finalement que les chambres. Prochaine étape pour son propriétaire qui confie, avec l’élégante discrétion qui le caractérise, rêver, dans un futur proche, d’hôtellerie. Ogata, 16, rue Debelleyme, 75003 Paris. ogata.com