VOGUE France

«Les qualités d’un mannequin ? D’abord, la patience. L’amabilité, ensuite. La créativité, enfin. C’est avec elle qu’on fait la différence.»

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otre succès implique une exposition publique massive. Vous la vivez comment?

Elle va avec le métier, mais il y a quand même des choses auxquelles on ne s’habitue jamais. Par exemple, sortir le matin de chez soi et se retrouver devant une nuée d’appareils photo. Certains négocient très bien ce type de situation, mais moi, je n’ai pas envie d’apprendre à m’habiller ou me coiffer pour ça.

Dans le même temps, ce genre de moment permet d’apprendre sur soi, de voir ses propres limites, ses priorités aussi. À partir de là, on gère mieux cet aspect étrange et inconforta­ble, on sait comment retrouver l’endroit en soi où on se sent bien, protégée. C’est pourquoi, avec ma famille, on a décidé d’avoir cette ferme, à une heure de New York. Là-bas, je peux juste me balader en jean et T-shirt, sans avoir à penser à mon image ou à ce que les gens pourraient en dire sur Internet. Avoir un appareil photo braqué sur soi pompe l’énergie et si c’est en permanence, c’est émotionnel­lement asséchant… Du coup, je vais régulièrem­ent dans notre ferme, dès que j’ai du temps libre. C’est là que je recharge mes batteries, et c’est indispensa­ble pour être ensuite capable de donner toute l’énergie nécessaire à mon travail.

Vous êtes sur Twitter, Instagram… Cette présence sur les réseaux sociaux est profession­nelle ou pour le plaisir ?

Les deux! Elle fait effectivem­ent partie du job mais j’agis en toute sincérité. Mon équipe sait que tout contrat doit me laisser une certaine latitude, qu’un client ne peut pas m’imposer de poster quoi que ce soit. C’est moi qui m’en charge directemen­t. Si je n’aime pas une photo ou une campagne, je ne la relaie pas, des alternativ­es doivent exister. Mais si j’apprécie, alors je le fais avec plaisir parce que je veux exprimer ma gratitude aux gens avec lesquels je travaille, et expliquer au public la démarche du designer, la singularit­é de la marque, le job de ceux qui sont en coulisses. Je m’exprime donc, personnell­ement. Il est évident que les réseaux sociaux ont changé la donne pour les mannequins. Ils constituen­t surtout un pouvoir pour celles qui sont aguerries et reconnues, mais les jeunes doivent être convaincue­s qu’elles peuvent s’y exprimer, sincèremen­t, et trouver leur voie.

Trois qualités pour survivre dans ce business ?

D’abord, la patience: les choses vont à la fois très vite et très lentement dans ce métier. L’amabilité, ensuite. Ma mère m’a toujours dit: «Tu peux être la plus jolie et la plus travailleu­se, il y aura toujours plus jolie et travailleu­se. Ce qu’il faut, c’est que tu sois celle avec laquelle les gens ont envie de travailler.» Les mannequins qui considèren­t qu’être la plus belle du moment dispense d’être agréable ne durent pas. La créativité, enfin. C’est avec elle qu’un mannequin fait la différence.

Qui admirez-vous ?

Beaucoup de monde, à commencer par les femmes fortes comme ma mère, qui m’épate constammen­t, qui prend en charge tellement de choses, et qui en connaît énormément. Mais je dirais surtout que les gens que j’admire, connus ou non, ont des talents créatifs. Sur les réseaux, je suis un créateur de miniatures, un céramiste, des artistes, des artisans… J’ai toujours été intimidée par la notion de «collection d’art», mais je me suis renseignée pour savoir comment on procède. On m’a répondu : «Tu devrais toujours acheter des oeuvres qui te dérangent un peu, tu ne t’en lasseras jamais.» C’est ce que je fais, un peu. Là, par exemple, je viens d’acheter un crayon qui mesure plus de 2,50 mètres, et je l’adore. Et aussi deux lampes d’un céramiste. À la ferme, je me lance dans des trucs, je construis des boîtes, une chaise… C’est mon plaisir, à moi seule. J’aime aussi dessiner, jardiner, peindre, sculpter, et monter à cheval. J’ai deux chevaux et on fait des balades avec ma mère et ma soeur, quand nos agendas nous permettent de nous retrouver.

Rien faire, vous savez ?

Ah oui, très bien d’ailleurs. Et je sais aussi très bien être seule. À la ferme, chacun a sa propre maison et parfois, j’envoie juste un SMS : «Salut, tout va bien, mais je vais passer la journée de mon côté.» Je vais commencer un puzzle, regarder un documentai­re… C’est important de savoir être seul et de ne rien faire, ça recentre.

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