FLASH-BACK
Nelson Mandela, Vogue Paris, décembre 1993.
N’oublions pas qu’en 1951 Nelson Mandela fut le premier avocat noir de Johannesburg.
N’oublions pas qu’en 1960 aux États-Unis, un restaurant pouvait refuser de servir des clients noirs. N’oublions pas qu’en 1985, des panneaux interdisaient l’accès des plages sud-africaines aux gens de couleur… et aux chiens. N’oublions pas que l’apartheid ne fut aboli dans ce pays «développé» qu’en 1991. Autrement dit : que tout trentenaire actuel naquit dans un monde où les Noirs étaient officiellement considérés comme des citoyens inférieurs. Sans que cela dérange Reagan, qui inscrivit le parti de Mandela sur la liste des organisations terroristes en 1986, ni Thatcher qui voua aux gémonies le leader pacifiste. Oui : n’oublions pas que la couleur de peau d’un individu détermine, aujourd’hui encore, une grande part de ses chances de réussite sociale et économique.
Mais n’oublions pas non plus le message que porta Mandela jusqu’au Nobel : l’authentique progressiste ne se rebelle ni contre les Blancs ni contre les Noirs, mais contre tout système déniant à un humain sa liberté, qu’il émane d’un dogme raciste ou de coutumes archaïques.
[Le jeune Madiba, en l’occurrence, gagna la capitale pour échapper à un mariage arrangé.]
Et le futur militant – à rebours de Sartre pour qui le recours à la violence était inévitable –, prônera sans relâche l’action «n’entraînant aucune perte en vie humaine et ménageant les meilleures chances aux relations interraciales».
1993 : cette couverture de Vogue paraît appartenir au monde d’hier. Au même titre que les lois ségrégationnistes américaines. Et pourtant, des citoyens noirs continuent d’être tués par la police du fait de leur couleur de peau au coeur du pays le plus riche du monde.
Mais une chose a changé : les protestataires ne sont plus taxés de «terroristes».
Quelques années après l’élection d’Obama, un cri mondial résonne contre le racisme.
Et malgré les mauvais apôtres de Mandela, qui veulent nous faire croire que toute personne blanche serait forcément xénophobe, le monde de demain n’est plus celui d’hier.
Si l’on parvient à raison garder, il y a des raisons d’espérer.