VOGUE France

la comédienne : BÉATRICE DALLE

-

Elle sillonne la France avec Troubles, une pièce de théâtre imaginée avec ses amies de toujours: l’écrivaine Virginie Despentes et la rappeuse Casey. Un spectacle composé de lectures de textes militants, de l’Américaine Donna Haraway à Françoise d’Eaubonne, cofondatri­ce du Mouvement de libération des femmes en 1968. Béatrice Dalle y apporte son amour de la poésie. Rencontre avec une comédienne qui n’a pas peur des larmes.

Votre amitié avec Virginie Despentes semble être à la genèse de tous vos projets ensemble, dont Troubles ?

C’est la femme de ma vie. Ça va faire presque vingt ans qu’on se connaît. C’est elle qui avait voulu me rencontrer pour le film qu’on a fait ensemble, Bye Bye Blondie, et puis ça a été une révélation. Ensemble, on a lu les textes de Pasolini sur scène, puis on a fait un second spectacle, Viril. Maintenant, c’est au tour de

Troubles.

Bâtir des spectacles, est-ce une manière d’imaginer vos propres rôles ?

Une chose est certaine : je ne me transforme jamais. Je ne suis pas un personnage, je n’ai pas envie que l’on me déguise en quelque chose que je ne suis pas. Jamais. Il faut que je puisse revendique­r ce que je dis, et aussi ce que je fais.

Vous refusez beaucoup de propositio­ns?

Ouais.Tous les très gros trucs. Mon banquier fait la gueule, mais je suis riche d’autres choses. Je n’aurais certaineme­nt pas tourné avec des metteurs en scène comme Jim Jarmusch ou Abel Ferrara si je n’avais pas cette exigence.

Comment s’est déroulée la préparatio­n de Troubles ?

C’est Virginie qui choisit les textes. Elle en parle beaucoup avec Casey. C’est un spectacle très revendicat­if, contre l’homophobie et le racisme. J’aime dire que j’ai apporté la poésie, avec Jean Genet.

L’un des grands amours de votre vie.

C’est marrant, il n’a quasiment pas été à l’école. Il était amoureux de Ronsard, et a toujours dit qu’il voulait écrire le meilleur français possible pour que Ronsard, s’il avait pu lire ses poèmes, les apprécient.

Vous êtes-vous penchée sur les autres textes du spectacle ?

Pas du tout. Je passe mes nuits avec mes poètes. Chaque nuit, je suis dans les bras de Genet, de Maïakovski, de Pasolini.

Des poètes tragiques !

Oui, comme ils le sont souvent… C’est le trouble qui m’attire, et le mélange d’une langue extrêmemen­t châtiée et d’une attitude excessivem­ent sulfureuse. La manière dont ils utilisent les mots les plus crus est sublime.

Vous pleurez sur scène ?

Mais grave.

Des larmes d’actrice ?

Ah non, jamais je ne ferai ça ! Je ne peux pas faire autrement : “Le clocher peut sonner : moi seul je vais mourir.” Jean Genet parle de l’homme qu’il aime, et à qui on va trancher la tête à six heures du matin ! Même là, ça me fait pleurer.

Dans quelle partie du spectacle survient ce moment ?

Vers la fin. Tout est tellement politique dans cette pièce que, d’un seul coup, ce moment vient casser le rythme. Je crois que j’ai un quota de larmes plus important que le commun des mortels de toute façon…

Ce n’est pas une mauvaise chose.

Non, ça veut dire que j’aime… Que j’aime trop. (LM)

Troubles, à la Gaîté Lyrique.

Du 16 au 18 mai.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France