CONFIDENCES NOCTURNES
Créateur légitimement adulé, Marc Jacobs est aussi l’un des personnages les plus attachants du monde de la mode. Un caractère solaire qui a souvent éclairé les nuits les plus électriques de New York, Londres ou Paris dont il a été longtemps un acteur embl
Marc Jacobs est l’un des personnages les plus attachants du monde de la mode. Un caractère solaire qui a souvent éclairé les nuits les plus électriques de New York, Londres ou Paris dont il a été longtemps un acteur emblématique. En exclusivité pour Vogue, il se souvient des temps forts de ses odyssées nocturnes. Un vol de nuit en compagnie d’Arthur Dreyfus.
Chaque époque a ses héros. Du côté de Manhattan, si Batman est l’incarnation du mystère nocturne, Marc Jacobs s’est imposé comme l’incarnation de la mode telle qu’on l’aime. Une mode simple, toujours en avance, hyper créative; et presque bienfaitrice. Du prêt-à-porter le plus pointu – pour Perry Ellis ou Louis Vuitton – aux lignes et accessoires chics et ludiques de sa propre marque, en passant par la cosmétique et les parfums, le créateur n’a jamais cessé de créer l’événement. Depuis les années 90, l’omniprésence de Marc Jacobs est telle qu’on serait tenté de lui attribuer plusieurs vies. Ou plutôt : une vie le jour, et une vie la nuit. Une vie pour travailler, et une vie pour disparaître – ou pour rêver. Et si l’on tient absolument à filer la métaphore, la question se posera en ces termes : de quelle Batcave le créateur tire-t-il son inspiration illimitée ? À l’occasion d’un entretien exclusif, avec toute la dérision dont on le sait capable, Marc Jacobs a accepté d’explorer avec nous la mémoire de ses nuits, des plus folles aux plus sages – en ouvrant grand les yeux. Lorsque vous entendez le mot «nuit», à quoi pensez-vous ? À la fin de la journée! [Rires.] Bon, pendant longtemps, la nuit, pour moi, c’était me mettre sur mon trente-et-un, aller voir un spectacle, sortir au restaurant, rejoindre des night-clubs… Pourtant, aujourd’hui, ce qui me vient à l’esprit quand j’entends le mot nuit, c’est regarder un bon truc à la télé, sortir mes chiens et aller au lit… Cela dit, j’ai peur de vous décevoir avec cette réponse pépère : est-ce assez glamour pour Vogue ? Il n’y a pas de mauvaise réponse ! Vogue peut tout entendre. Bon, bien sûr, je sors encore de temps en temps pour dîner avec des amis, voir une pièce de théâtre, mais c’est rare. Je ne sais pas si je me suis rangé. Disons que par le passé, j’ai pris beaucoup, beaucoup d’avance. Quels sont vos premiers souvenirs nocturnes, ceux du temps de l’enfance ? Aviez-vous peur de l’obscurité ? Non, ça ne me faisait pas peur. Je crois qu’à 7 ou 8 ans, je dormais comme un bébé, même si mon quartier de l’époque n’était pas le plus rassurant de New York. Le Bronx ne s’était pas encore gentrifié, bien sûr on me déconseillait de sortir la nuit, mais je suis très vite devenu indépendant. J’étais du genre débrouillard. Je ne tentais pas le diable – je ne me promenais pas seul dans des endroits déserts –, mais j’avais le sentiment de connaître ma ville, et de savoir m’y fondre à toute heure du jour et de la nuit. J’aimais cette liberté. Rapidement, vous rentrez à la High School of Art and Design, puis à la Parsons School of Design : j’imagine que ces lourdes études ont rapidement transformé votre liberté nocturne en travail nocturne… Absolument. Je bossais comme un dingue. Je faisais mes devoirs avec un bon copain, et on s’épuisait ensemble à force de nuits charrettes. On avait toujours l’impression de ne pas fournir assez d’efforts. Mais tout ça n’était pas gratuit : on adorait ce qu’on faisait, la mode nous surexcitait, on avait sans cesse envie de découvrir de nouvelles choses… Moyennant quoi, pendant la journée, on s’endormait en cours. Très jeune, à côté de votre formation, vous travaillez. On vous confie la gestion du stock d’une boutique de mode branchée. La plupart des gamins de 15 ans ne rêvent que de sortir en boîte et de s’éclater. Était-ce votre cas ? Oui. Malgré tout ce que je pouvais faire la journée – ou la nuit –, j’ai commencé à sortir très précocement… C’est terrible, mais je suis suffisamment vieux pour avoir connu des lieux légendaires comme le Studio 54. Tout a démarré en feuilletant les magazines de mode de l’époque. Je passais des heures à compulser des interviews, à dénombrer les beautiful people, à lister les clubs qu’ils préféraient… J’avais 13 ans et ça me faisait rêver : je voulais être eux, m’habiller comme eux, être aussi beau qu’eux – et par-dessus tout, fréquenter les endroits qu’ils fréquentaient. À l’inverse, le sport, les sciences ou la politique me laissaient complètement indifférent. Je n’aimais que l’image – l’image de la beauté. L’année de vos 7 ans, votre père est mort prématurément. Il était agent de stars, et fréquentait lui-même ces «beautiful people». Selon vous,