FLASH-BACK
Vogue Paris, mars 1972. Jane Birkin photographiée par Jean-Jacques Bugat. Par Marie Darrieussecq
Éternelle jeunesse. Pop pour toujours. Modernité forever. Le sourire à tomber, le manteau Laroche comme une seconde peau, le poignard à la ceinture pour dire qu’elle en a. Et tellement plus qu’une icône de mode. Un anti-Brexit à elle toute seule. Notre Britannique à nous, notre croisière pour l’Angleterre, notre Europe sans frontière. Quand Gainsbourg est mort, elle a dit : «Je n’ai plus personne à épater.» Dix ans qu’ils étaient séparés, et elle disait ça, Birkin: plus personne à épater. L’élan à deux pour créer, qui n’est plus exactement l’amour mais une fidélité absolue, une dynamique pour la vie: évanoui. Elle a dit aussi : «J’ai perdu mon auteur.» Ça a la force d’un opéra, la même tristesse que «J’ai perdu mon Eurydice». Elle n’avait plus de mots, plus de musique pour sa voix. Voulait-elle dire aussi : Gainsbourg est l’auteur de Birkin? Mais si Birkin est une muse, elle est du genre métamorphique. Capable de muer dans de multiples oeuvres. Elle fut l’auteur, l’autrice, de plusieurs créateurs dans plusieurs vies. Il y a eu une Jane après Serge, multiple. Mickey 3D en 2009 lui a écrit : «Je m’appelle Jane et je t’emmerde», et cette chanson lui colle aussi bien à la peau que le sublime flare Ungaro de la petite photo, trente-sept ans plus tôt. Birkin avec son accent irréductible, à dire «un chanson» après toute une vie en France, est sa propre compositrice, la créatrice d’elle-même, la sainte et troublante patronne des filles à petits seins, et l’inventrice d’un français parlé comme on chante, sexy, mélodieux, chic, aérien, inspirant: Merci Jane, merci pour tout !