La diva s’ habille en Prada
billie holiday, lee daniels, miuccia prada: une trinité géniale, où le mythe, la culture et le style s’entremêlent dans une belle connivence intellectuelle. On espère voir le plus vite possible, déjà favori aux prochains Oscars, The United States vs. Billie Holiday de Lee Daniels, film sur la vie de cette chanteuse de jazz unique, à l’aura aussi panoramique que son existence fut désastreuse. Il fallait la talentueuse et bien nommée chanteuse Andra Day pour interpréter Lady Day. Il fallait une certaine érudition et surtout une sensibilité éclairée pour donner enfin une réalité au style magnétique de Billie. Qui d’autre que Miuccia Prada? La créatrice nous révèle enfin la diva dans ses atours de couleurs ! Tout est beau. Cette robe jaune poussin brodée de pierreries, ce fourreau blanc éclatant au plus sombre de sa vie, le rouge frénétique de son corsage qui illumine toute la ferveur de Billie alors qu’elle chante Strange Fruit*, mélopée du désespoir sur les Noirs que l’on pendait aux arbres pour un oui, pour un non au temps de l’esclavage. Une chanson qu’elle seule peut interpréter et qui lui vaudra tant de vicissitudes avec le gouvernement, point cardinal du film. Miuccia Prada en a appelé à ses propres archives pour cette mission et raconte son implication de costumière : «Billie Holiday est une force culturelle intemporelle, imprimant sa voix et son style soul sur le cours de la musique et de l’art américains. Le style de Billie, comme sa voix, est mélodique et puissant, reflétant son influence iconique et magnifiquement complexe sur notre paysage culturel.» Car Billie Holiday, ce n’est pas juste une histoire d’élégance et de musique.
C’est une voix dans tous les sens du terme. Une voix de la lutte, instinctive, tumultueuse comme la sienne qui s’éraille mais qui ne fatiguera jamais, puisque nous l’écoutons encore. Il fallait la belle personnalité de Lee Daniels, réalisateur concerné à la filmographie investie et puissante, pour lui rendre hommage. Et cette réjouissante concertation entre Billie, Lee et Miuccia, où chacun déploie à sa façon : une voie. (sj)
The United States vs. Billie Holiday, de Lee Daniels, le 26 février sur la plateforme Hulu et hypothétiquement bientôt au cinéma en France. *Pour calmer notre impatience, à lire : Strange Fruit de David Margolick (éditions 10/18), sur la naissance de cette chanson de la souffrance, que Billie Holiday interprète pour la première fois en 1939, au Café Society à New York, une enclave unique, oecuménique et de résistance au temps de la ségrégation. Et aussi la très belle série à écouter en podcast sur la vie de la chanteuse : «Billie Holiday, une vie, une voix» sur France Culture.