Voile Magazine

400 milles à bord de DameJane, un baroudeur en partance pour le Grand Nord

Ils en rêvaient. Bénédicte et Jimmy Viant vont larguer les amarres pour un long voyage à bord de Dame Jane, un solide quillard de 16 mètres construit en alu, imaginé et terminé en grande partie par Jimmy. Bilan de huit jours à bord.

- Texte et photos : Bernard Rubinstein.

EVIDENT!

Ce rayon de soleil matinal salué d’un arc-en-ciel magistral ne peut-être qu’un signe. Une façon de saluer à la mode irlandaise le départ, il y a deux mois jour pour jour, de Dame Jane, le compagnon de route de Bénédicte et Jimmy Viant. Déjà près de 4 000 milles au compteur, prélude au grand départ prévu en novembre pour – temps le permettant – le passage du Nord-Ouest. La veille, dans l’atmosphère feutrée du Yacht-club de Cork situé à Crosshaven, le plus ancien du monde, nous avons aussi fêté cette date anniversai­re en nous offrant une bonne Guinness. Nous avons levé nos verres à notre embarqueme­nt, Pascal Marty et moi-même. Espéré, sans trop de conviction, du beau temps pour cette semaine de croisière. Prétexte à vous offrir non pas un « 100 milles » mais un « 400 milles à bord » de ce croiseur atypique né de la longue expérience de Bénédicte et Jimmy Viant. Naturellem­ent, on serait tenté de le définir comme un bateau de voyage. Si ce n’est que ce vocable dérange notre skipper qui argumente, à raison, que « tout croiseur prêt à partir est un voilier de voyage. Dame Jane est un voilier au long cours ». La cause est entendue. En tout cas, voyage ou pas, tout embarqueme­nt doit se soustraire à un rituel précis. Chaque skipper a le sien. Souvenezvo­us, l’an passé, de cette croisière vers l’Ecosse sur Doris, le Tina de Pierre Follenfant, afin de participer à la Fife Régatta (Voile Magazine n°213). A bord, avant de rentrer dans le carré, le port des charentais­es était obligatoir­e, le ciré interdit. Sur Dame Jane, pas de charentais­es mais des Crocs à enfiler une fois entré dans le poste de pilotage. Pour moi une première vu mon aversion pour ce type de chaussures. Mais avouons qu’elles se révéleront bien pratiques à l’usage. Ce poste de pilotage, sorte de grand dog-house, est l’un des atouts maîtres des aménagemen­ts. Il est la « pièce à naviguer », celle où, bien au sec, on profite d’une vue quasi panoramiqu­e sur le monde extérieur. Aussitôt franchi les trois petites marches de la descente astucieuse­ment bordée de chaque côté par un panneau translucid­e, on enlève son cirés et ses bottes en profitant d’un plancher en tôle d’aluminium striée pour les accrocher dans le placard situé

sur bâbord. On peut également s’y reposer en profitant des deux longues banquettes de 1,60 m. Ou encore y barrer en utilisant la barre intérieure mais dans les faits, toujours laissée pour compte au profit du pilote. Enfifin, c’est là que l’on fait la navigation sur tribord en utilisant l’écran d’ordinateur équipé du logiciel Open CPN 4.0.0. En cette première matinée, à l’heure de nos adieux au ponton de la marina de Crosshaven, Bénédicte y officie tandis que Jimmy s’occupe du pont. C’est notre baptême du feu, notre première leçon de rangement dictée par les habitudes du skipper.

DEUX GRANDS COFFRES MOBILES LATERALEME­NT

Sur Dame Jane, c’est relativeme­nt simple. Toutes les aussières se rangent dans deux grands coffres dont la position et la fonction sont l’une des nombreuses bonnes idées du bord. Tout d’abord, ils sont mobiles et peuvent se déplacer latéraleme­nt sur des rails afifin de moduler leur écartement. Equipés de dossiers, ils font tous deux office de sièges de quart pour les équipiers. Mais surtout, ils sont d’un accès très facile. Rien de commun avec les coffres de nos cockpits classiques à l’intérieur desquels il faut plonger pour tenter de trouver l’équipement ad hoc. En pratique, celui de bâbord reçoit les aussières, les nourrices et, sur l’avant, une petite motopompe utilisable rapidement en cas de voie d’eau. Celui de tribord, la survie. Quant aux défenses, elles se logent sur l’avant, et sont accessible­s par un panneau ouvrant. Dehors, à la sortie de la rivière, la mer semble immensémen­t vide. Le vent timide avoue une franche intention de nous imposer un parcours au louvoyage le long de la côte irlandaise pour gagner le petit port de Castletown­shend dont j’ai gardé le souvenir d’une escale charmante lors d’une croisière passée. Selon le bon vieux principe selon lequel il faut savoir forcer le destin, Jimmy a quitté la barre pour rejoindre le pied de mât. Son but : envoyer la grandvoile dont la drisse mouflée est reprise depuis le gros winch arrière tribord, un Harken 70 self tailing à deux vitesses. D’ailleurs côté winches,

Dame Jane ne fait pas dans la débauche. Il en possède quatre. Deux identiques, les plus en arrière, servant à toutes les manoeuvres courantes (drisses, écoutes de yankee et de trinquette, prises de ris, cordages de manoeuvres des deux enrouleurs), un troisième sur le rouf, proche de la descente, pour le halebas de bôme, enfin un quatrième sur le mât. C’est simple, fonctionne­l, efficace, à l’image du bateau dont le nom de baptême s’inscrit dans la tradition familiale. Dans la famille Viant, on a toujours baptisé un bateau du nom du premier petit-enfant. André Viant, le papa de Jimmy (voir encadré) avait nommé sa goélette, engagée dans la première Whitbread

Grand Louis, lui attribuant ainsi le nom de son premier petit-fifils, Louis. Sébastien, le plan German Frers concurrent dans la troisième édition de 1981, était le prénom du fifils de Jimmy, aujourd’hui expert maritime et architecte naval. Quant à Jane, elle est la première fille du même Sébastien si ce n’est que Dame Jane lui confère un petit côté britanniqu­e dès qu’on le prononce à l’anglaise. Donc dans ce domaine pas vraiment de surprise. En revanche, nous en avons une bonne à l’heure de hisser la grand-voile. Car malgré la vocation du bateau – la très grande croisière – et son déplacemen­t généreux – plus

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France